Arthur de Gobineau, écrivain français, a publié en 1853 un ouvrage intitulé « Essai sur l’inégalité des races humaines ». L’auteur, dans un élan de racisme redoublé de son égocentrisme, avait voulu établir une différence entre les races humaines. Il soutenait que la race blanche est supérieure aux autres races notamment la race noire. Cette dernière, poursuit l’auteur dans son œuvre magistrale mêlée de préjugés, est caractérisée par un penchant pour l’extrême, le grotesque et une intelligence inférieure… Le « gwo soulye » et la violence seraient propres des noirs.

Québec, https://www.lemiroirinfo.ca, Dimanche 26 Juillet 2020

Heureusement, en 1885, une sommité Haïtienne dans le domaine de la recherche scientifique, Antênor Firmin, a réfuté rationnellement la thèse de l’inégalité raciale dans un ouvrage intitulé « De l’égalité des races humaines ».

En revanche, c’est avec consternation qu’on constate, plus d’un siècle plus tard, le développement de ces préjugés raciaux déjà combattus par le scientifique Antênor Firmin. Ils se sont introduits dans notre société contemporaine sur plusieurs formes. Considérant les menaces que représente une société conçue sur la supériorité de race, de personne, soit en fonction de sa richesse par rapport à une autre qui peine à joindre les deux bouts, soit en fonction de la teinture de sa peau ; considérant la violation des droits fondamentaux que cela peut entrainer, je crois opportun, en pareil cas, d’apporter une modeste contribution dans le but d’avoir une société plus juste, plus équitable et plus harmonieuse. Je me propose, à travers les lignes qui suivent, de m’adresser non pas à un étranger, mais à deux compatriotes Haïtiens, deux personnages politiques en l’occurrence : Madame Yvrose Pierre et monsieur Jovenel Moïse dont leurs actions mettent en péril la vie de toute une population.

En effet, j’ai entendu récemment avec beaucoup de stupéfaction une déclaration teintée d’arrogance faite par Madame Yvrose Pierre, ancien Maire-Adjoint, devenue par arrêté présidentiel, Président de la Commission municipale de la ville du Cap-Haïtien, dans laquelle elle vante son héroïsme à la suite d’une action légendaire qu’elle aurait menée en date du 15 juin 2020 dans un quartier populaire nommé Shada II, situé à l’entrée est de la ville christophienne.

Au fait, ce bidonville où la misère bat son plein, abritait un gang armé dénommé “Ajivit” qui faisait la pluie et le beau temps sous les yeux vigilants des autorités étatiques. Après plusieurs mois d’exactions en série, assassinats sommaires, vols à mains armées, incendies, les autorités de la ville notamment madame Yvrose Pierre et monsieur Esaïe Lefranc n’y voyaient aucune autre solution que de démolir illégalement les maisonnettes des pauvres gens prétextant vouloir apporter une réponse à l’insécurité grandissante dont le spectre importune le sommeil des gens du Nord.

Dans cette déclaration devenant virale sur les réseaux sociaux, le premier citoyen de la ville a déclaré expressis verbis « Nenpot moun ki rete nan yon zòn ou yon katye ki gen yon bandi nan zòn lakay ou a, ou pa rele lapolis vin pran bandi a, nap kraze zòn kay ou a,

menm jan nou kraze Shada (n’importe quel résident d’un quartier, qui aurait connaissance de la présence d’un bandit dans sa zone, a l’impérieuse obligation d’aviser la Police pour ne pas subir le même sort que Shada II) ». Par cette prise de position, madame Pierre vient de rendre son verdict en absence de tout débat contradictoire contre tous les miséreux vivant dans les quartiers pauvres. Madame Pierre a, au lieu de s’acquitter de sa tâche pour laquelle elle a été élue, a préféré de partir en guerre contre des gens habitant dans des taudis, sans eau potable, sans électricité, sans toilette, sans sécurité, foulant ainsi au pied de manière spectaculaire les droits inaliénables et imprescriptibles de la personne humaine: droit au logement décent, droit au respect, droit à la vie, droit à la liberté et au bonheur tels-que conférés par la Constitution de la République d’Haïti de 1987 et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 respectivement suivant les articles 19 et 25.

 Il en résulte que le rôle de la Mairie du Cap-Haïtien, organisme décentralisé de l’Etat, est de créer un environnement sain pour les christophiens conformément à l’article 22 de Constitution de la République d’Haïti de 1987 dont la teneur dispose : “l’État reconnaît le droit de tout citoyen à un logement décent, à l’éducation, à l’alimentation et à la sécurité sociale”. Le Maire de la deuxième ville d’Haïti n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue la loi. En aucun cas, madame Pierre n’aurait dû démolir un quartier, chasser des milliers de gens sous prétexte qu’il y a un gang armé qui s’y abrite. Aurait-elle agi de la même façon si c’était dans une zone huppée ? Pourquoi  d’autres autorités n’ont pas ainsi procédé dans les hauteurs de Pétion-ville et de Kenskoff, bastions des grands cas de kidnapping ? Interviendrait-elle de cette façon cavalière à un endroit dans lequel se trouve l’établissement scolaire de ses enfants ou l’enfant d’un proche parent ? La réponse est non.

Venons à présent à monsieur Jovenel Moïse. Le Chef de l’État ne cesse de se comporter comme le seul ayant-droit en Haïti. Il déclare publiquement être détenteur d’un pouvoir absolu et qui restera sien à tout jamais. Les gangs armés terrorisent la population à Gran-Ravin, à Cité Soleil et à Bel-Air. Le Président de la République fait fi des cris du peuple. La situation économique des ménages haïtiens se détériore de jour en jour. La gourde perd sa valeur, devenant, à l’heure actuelle, un simple morceau de papier. Pour un dollar américain, il faut plus de 119 gourdes.

Entre-temps, le premier citoyen de la nation déambule avec ses agents de sécurité. Ses fils sont en sécurité. Pas de panique. Il a suffisamment de revenu pour subvenir à leur besoin. Maintenant, plus question de respecter les prescriptions des articles 134-1 et 134-2 de la Constitution de 1987. Le Président veut rester au pouvoir au-delà du temps constitutionnel. Bien que, par ailleurs, son Premier Ministre, monsieur Jouthe Joseph ait révélé que l’État est incapable de gérer une motocyclette. La pauvreté de la population n’est point sa préoccupation. Il s’en moque pour mettre le cap sur 7 février 2022.

 Cher lecteur, à présent, je vous propose un test : Si on demande au Président Jovenel Moise pourquoi il veut poursuivre son mandat présidentiel jusqu’au 7 février 2022, Il vous exclamera : néant. Pour ce Président volubile, ce n’est pas le contenu du mandat qui représente la mission à lui confiée qui le préoccupe, mais la durée du mandat. Comme ce vieux marchand qui s’en tient à tue-tête au nombre de bouteilles de bière à vendre qui lui reste sans se préoccuper si elles sont vides ou remplies. Et mêmes vides, il préfère rester tard le soir pour les vendre. Le contenu du mandat n’intéresse pas le fameux Président qui se croit encore dans une campagne électorale émaillée de fallacieuses promesses, mais c’est la durée qui compte pour lui.

 En conséquence, il revient de nous questionner sur la façon dont ceux qui nous dirigent appréhendent la notion de droit à l’égalité. En effet, ce droit imprescriptible qui veut que tous les individus soient égaux en valeur et en dignité, est bafoué constamment par les autorités de l’État Haïtien. Le gouvernement PHTK ayant à sa tête monsieur Jovenel Moise est champion dans l’art de violer les droits de la personne humaine. Il faut dire que ce régime ne saurait produire d’autres résultats que cette laideur ignoble, tenant compte du nom que porte ce mouvement politique. Car l’ivraie ne saurait produire de blé. Oserait-on croire qu’un parti politique dénommé « Parti Haïtien Tèt Kalé (PHTK), » dépourvu de sens logique pourrait accompagner efficacement une population? L’insanité a donné naissance à ce parti. 

 Du reste, il est incontestable que tout le monde a droit de vivre dans la paix, dans la tranquillité et dans la dignité. Il est universellement reconnu que les êtres humains sont égaux. Les dirigeants ne sont pas supérieurs aux dirigés. Les riches ne sont pas plus humains que les pauvres. Le logement des pauvres doit être protégé. Si des mesures étatiques doivent être prises, elles doivent respecter les procédures de déguerpissement ou d’expropriation et leur offrir une alternative dans leur tourment. Ce n’est pas par la violence qu’on met fin à la violence. Ce n’est pas en détruisant les maisons qu’on met fin à l’impunité, mais en trouvant les vrais coupables. En attendant, les responsables de l’État doivent assumer leurs responsabilités. Les coupables doivent-être sanctionnés conformément à la loi. Un homme moissonnera ce qu’il aura semé. L’argent du peuple détourné, les assassinats perpétrés, les kidnappings, les incendies malveillants ne resterons pas toujours impunis. Le procès Pétro-Caribe aura lieu. Un jour ou l’autre les responsables des actes crapuleux et odieux répondront de leurs forfaits.

Auteur: Thony Desauguste, courriel: dthonyfile@yahoo.fr

Avocat au Barreau du Cap-Haïtien