Arrachés de leurs familles, privés d’éducation, de loisir et de connexions sociales. Vingt (20) adolescents de sexe masculin âgés entre 14 à 17 ans croupissent dans une petite cellule à la grande prison civile du Cap-Haïtien. Et le pire, la majorité d’entre eux sont en détention préventive, depuis des années sans passer par devant leur juge Naturel
Cap-Haitien, httpps://www.lemiroirinfo.ca, Samedi 18 Janvier 2020
Boileau Joseph un adolescent de 17 ans raconte avec larmes, sa vie dans cette cellule qu’il appelle « enfer » parce que selon lui, leurs situations sont comparables à cela. « J’ai commis un homicide involontaire sur un camarade, en salle d’examen de 9em année Fondamentale à cette époque je n’avais que 14 ans » a déclaré Boileau faisant référence à son cas particulier.
Les agents de Police de la commune de Port-Margot où l’acte s’était produit l’avaient emmené au Cap-Haitien et, avec un mandat de dépôt l’ont incarcéré dans la cellule pour mineur à la grande prison civile c’était en 2015. Depuis, cet enfant devenu adolescent est coupé de sa réalité familiale et sociale. Sans avocat, ni argent, la Maman de Boileau, Célia Joseph, une paysanne mère célibataire a multiplié des démarches auprès des autorités judiciaires de la deuxième ville du Pays mais, en vain. Cette situation est pareille pour la majorité de ces mineurs en détention.
Dans cet espace contiguë sans aération, raconte-t-il nous sommes obligés de supporter la chaleur pendant toute la période de l’été avec un morceau de carton en main, le jour comme la nuit car, nous n’en avons que ça.
On a seulement 2 lits à étage ce qui fait au total 8 lit pour 20 personnes. D’où la majorité d’entre nous dorment au sol, sans couverture ni matelas poursuit-il, on défèque dans un récipient que chacun à son tour va le jeter au dehors. De plus, l’eau qu’on utilise pour nous laver nous donne de démangeaisons et des boutons sur la peau. La petite infirmerie de la prison ne peut rien faire en termes de traitement.
La nourriture qu’on nous donne n’est pas de bonne qualité ni en quantité suffisante et, l’eau traitée n’est pas gratuite à la prison, ajoute Boileau qui est devenu le major de la cellule des mineurs. Notre situation se détériore avec l’aggravation de la crise politique, nous n’avons aucune nouvelle de nos parents, on n’a pas de visite et on perd l’espoir de pouvoir sortir de cet enfer, puisque toutes les activités sont paralysées à cause de la situation de « Pays lock ».
Par ailleurs, certaines organisations de Défense des Droits Humains notamment Centre des Fouiner sans Frontière et le Réseau Civisme des Droits de la Personne (RECIDP) sont préoccupés de la situation des mineurs dans ce centre carcéral. Lors d’une interview qu’ils nous accordent Jacques JEANTY du centre des Fouiner sans Frontière ainsi que Eddy Emmanuel Roméus du Réseau Citoyen des Droits de la Personne (RECIDP) se disent préoccupés par la situation des mineurs incarcérés à la prison civile du Cap-Haitien.
Ils dénoncent la violation de la convention relative au respect des Droits de l’Enfant ratifiée par l’État Haïtien, le mauvais traitement infligé aux mineurs ainsi que, la détention préventive prolongée. Ces militants des Droits Humains fustigent le comportement des responsables du système judiciaire Haïtien qui n’accordent aucune importance au secteur de la justice des mineurs. Ils dénoncent également, l’incarcération des mineurs à la prison civile du Cap-Haïtien et l’inexistence d’un centre de rééducation en faveur des mineurs en conflits avec la loi au niveau du Département du Nord. Le seule centre de rééducation se trouve dans le Département de l’Ouest à la commune de Delmas déplorent-ils.
De son coté, le juge pour Enfant Joseph Jean Ralph Prévost interrogé sur la situation des mineurs en détention à la prison a fait savoir qu’ils ne devraient pas se trouver là, selon lui l’État ne prend pas au sérieux le secteur de la justice pour mineurs. Il a fait savoir qu’ en matière de justice pour mineurs, chaque Département devrait se doter d’un centre de rééducation sociale avec des travailleurs sociaux, des médecins et des psychologues pour traiter les cas des mineurs suivant leur besoin.
Le juge pour enfant va dans le même sens que les défenseurs des Droits Humains, il se dit sidéré par rapport à la façon dont le cas des mineurs sont traités au niveau de l’appareil de la justice. Toute fois, concernant le nombre de jugement effectué au tribunal pour enfants, en faveur de la réduction de la population carcérale au niveau de la cellule pour mineurs, le juge pour Enfants n’était pas en mesure de pencher sur la quantité de cas qui devraient être traités durant la période judiciaire 2018-2019.
Selon Juge Prévost, le juge pour Enfant ne peut pas mobiliser le tribunal pour Enfant pour traiter un cas quelconque. La responsabilité incombe au commissaire pour Enfant qui en fait la demande au Juge, dans d’autres circonstances c’est la cours de cassation ou bien un plaignant. De plus, Juge Prévost a fait état des difficultés auxquelles, le tribunal pour Enfant fait face, il cite en exemple : manque de personnels (greffiers, travailleurs sociaux, psychologues, médecins entre autres..) à cela il ajoute, l’irresponsabilité des autorités de la chaine de protection des mineurs.
Ce qui, dit-il, empêche le suivi des décisions prises en faveur des mineurs en conflit avec la loi et, c’est ce qui explique aussi ajoute-t-il, qu’il y a certains mineurs jugés se trouvant à la prison civile bien que, leurs place devrait être soit chez leurs parents, sur surveillance avec accompagnement d’un travailleur social et un psychologue, soit dans un centre de rééducation selon ce que décide le juge.
Pour sa part, le coordonnateur régional Nord, de l’Institut du Bien Être Social et de Recherches (IBESR) l’institution Étatique ayant la responsabilité d’assurer la protection des mineurs, notamment ceux les plus vulnérables. Eléazar Henri-Claude dans le cadre d’une interview se dit conscient de la mauvaise situation dans laquelle se trouvent les mineurs en détention.
Cependant, il fait état de l’incapacité de l’institution qu’il dirige à pouvoir intervenir en faveur des Enfants détenus soit, en terme de transport pour les amener à Delmas 33 quand le juge le demande soit, en support alimentaire et assistances sociales et psychologiques.
En tout cas, si les acteurs précédents considèrent les mineurs en détention comme des enfants et, ou des Êtres Humains à par entière, pour le responsable de la prison qui n’a pas voulu que son nom soit cité « ce ne sont que des bandits, ils ne resteront comme tels, et c’est peine perdu de pencher sur leurs cas ». Déclare-t-il avec mépris tout en reconnaissant que la cellule est trop petite pour tous ces gamins.
Notons que, le tribunal pour Enfants a comme siège, une salle au Parquet du tribunal de première instance du Cap-Haïtien sis à la rue 24 et 25 A, le personnel est composé d’un commissaire pour Enfants : Joseph Jacques Alex Raphael qui est également substitut commissaire près du Parquet et, un juge pour Enfant : Joseph Ralph Prévost qui est à la fois, juge d’instruction et juge au tribunal correctionnel.
Ils traitent les dossiers des Enfants en conflits avec la loi pour toutes les juridictions du Nord et du Nord-Est. Et parallèlement il y a la Brigade de la Protection des mineurs (BPM), une entité de la police nationale d’Haïti (PNH) qui leur envoie des plaintes déposées et, L’IBESR qui collabore avec ce tribunal.
Auteure: Wedlyne JACQUES, Journaliste
Courriel : wedlynejacques@yahoo.fr