Port-au-Prince, https://www.lemiroirinfo.ca, Jeudi 26 Mars 2020

Qu’en est-il de la globalisation et de la mondialité ? La première se localise, la seconde se nationalise. Les frontières abolies; il y a quelques années par le néolibéralisme triomphant, se ferment, coronavirus oblige. La pensée moderne – tout comme l’État moderne – a échoué, dévoyée. Le monde est en crise. Crise de la vérité. Crise du savoir. Crise d’un modèle de pensée qui porte en elle ambiguïtés et contradictions.                                                                                        

Face à cette pandémie qui tourne en détresse humaine, la réaction est locale. La globalisation baisse les bras puisque la réponse des dirigeants du monde est locale. Le savoir devrait être aussi local avant tout. En tout cas, il nous semble évident qu’aujourd’hui c’est en fonction de la dimension culturelle du savoir, de la connaissance qu’il nous faut reconsidérer la vie en société et bâtir les institutions pour encadrer les hommes.             

Avec cette crise, on assiste à une véritable remise en question de la manière dont nous abordons la vie, l’être humain, la gestion de l’État, l’économie, les problèmes communs des peuples. La fermeture de la frontière devient aujourd’hui une mesure légitime pour se protéger contre l’autre avec qui on entretient pourtant des échanges, notamment commerciaux, et chez qui, à la recherche de main-d’œuvre à bon marché et pour échapper à la fiscalisation, on a installé des entreprises multinationales.                                                                 

L’occident avec son économie florissante, son luxe, ses flottes de guerre n’est pas invincible. Pour l’instant, il n’arrive pas à bloquer le coronavirus, comme il avait réussi à le faire avec les milliers infortunés, des déshérités du sort, ces affamés qui déversent sur ses rives ? Il est à espérer qu’après cette grande crise pandémique l’occident cesse d’être arrogant et dominateur. Qu’il comprenne que nous appartenons à un monde commun et que notre humanité est liée. Nous avons tous besoin de sagesse pour accéder à cette nouvelle humanité qui se dessine.                                                                                                                                                                                                                                

On constate que les grands de ce monde sont en train de se réveiller et de se rendre compte que la vie est le cadeau le plus précieux que Dieu puisse accorder à l’homme. Il est plus important que l’argent et les privilèges que nous donne notre position dans la société. Pourquoi alors se risquer pour aller chercher du confort et du luxe ailleurs ? Il n’y a pas de force plus puissante que la mort. On ne peut penser l’espoir et la vie que chez soi. Aucun pays ne peut se déplacer pour aller s’installer ailleurs ni agrandir le territoire d’un autre État. Les problèmes sont locaux avant d’être globaux et c’est d’abord au niveau local qu’il faut chercher à les résoudre.                                                                                                           

Le mouvement des puissants à la recherche des terres d’opportunités d’affaires comme celui des faibles à la découverte d’autres cieux plus cléments s’arrêtent brusquement. Il n’y a plus de bons passeports ni de bonnes nationalités. Tout le monde redevient égal. La mondialité se localisant, n’est-ce le moment de regarder autour de nous et de demander au monde de s’humaniser ? Comment peut-on avoir cette éternelle soif de vivre quand on a fait tout pour bousculer la vie, votre vie et ainsi que celle des autres ?                                                    

Cette tragédie, nous invite à comprendre l’humanité est à gérer d’une autre manière les ressources et le bien commun. Si la tendance persiste, dans quelques semaines, les Haïtiens qui sont parmi les peuples les plus vulnérables de la planète, ne trouveront pas de quoi manger.

À qui la faute ? Aux maîtres du monde qui, par le biais des élites locales sans âme et sans conscience, avaient interdit à ce que notre pays produise des vivres pour nourrir ses habitants. Si nous sommes devenus incapables de donner à manger nos populations ou de soigner nos malades, c’est parce que nos élites politiques et économiques n’ont jamais eu sentiment patriotique et qu’elles sont plus attirées par l’appât du gain. Elles ont toujours opté pour la solution la plus facile en obtempérant aux injonctions des institutions internationales au lieu de défendre les intérêts de leur peuple. En ce sens, elles sont les premières coupables de notre débâcle. Voici que maintenant les frontières se resserrent et tout de suite la vie nous déserte. Le global nous éloigne. Les Haïtiens paient les conséquences de leur manque de patriotisme et leur absence d’esprit civique.

Maintenant il faudra tout reprendre. À commencer par cet État perverti afin qu’il puisse répondre à sa vision originelle de service public. On ne doit plus accepter que ceux qui ont échoué, viennent nous imposer un nouveau système économique politique, un autre modèle de gouvernance, leur propre vision du monde et des êtres. Ils ont tout fait pour bannir la vie en imposant un système où seul le profit compte. La dévalorisation de l’homme est poussée jusqu’à un point incroyable. La globalisation à outrance est une tyrannie qui gâche la vie des peuples en raison du mépris de ce système pour l’être humain. Ce qui est caractéristique de cet ordre mondialisé, ce n’est pas tant le mépris pour la mort que le manque de respect pour la vie.

Ce n’est pas à ce système économique mondial discrédité qu’il faut désormais penser, mais à la manière d’assurer une transition vers des buts supérieurs où la vie sera possible dans toute sa plénitude. Où l’humain sera au centre des décisions collectives. En tant qu’intellectuels, notre rôle est de donner une nouvelle légitimité à l’État en l’aidant à se hisser vers des buts supérieurs. L’y contraindre même si besoin en est. Il ne faut plus confier le pouvoir de décider aux âmes animales.                                                                                              

Aux États-Unis, on a enregistré 6 728 cas de coronavirus en 24 heures. J’exprime ma solidarité aux Américains, aux Italiens, aux Chinois, aux Iraniens, aux faibles, aux gens du monde entier touchés par cette tragédie. Mais en même temps je suis révolté en constatant l’indifférence des puissants du monde devant la faim qui tue des millions de gens chaque année. Je suis indigné par ceux qui pensent que la force du marché est plus importante que la vie des gens.                                                                      

Le coronavirus nous apprend que la globalisation d’essence occidentale a sombré, avec toutes ses vérités brutalement imposées et que la vie est désormais locale. C’est localement qu’il faut organiser la vie. Que cela plaise ou non, cette tragédie annonce la transition vers une nouvelle humanité. Une nouvelle saison politique, sociale et économique. Que ce moment spécial, de détresse globale éveille chez chaque individu un plus grand sens de l’humanité.                              

Si la mort ne frappe pas à nos portes en plein midi, nous devons tout faire pour qu’après cette tragédie, après cette morte saison, le monde soit autrement, différent de ce qu’il est aujourd’hui.                                                 

Dieu prendra soin du monde. C’est dans ce champs de ruines et miné que Dieu se révèle et confie à ses hommes sa mission pour l’humanité. Dieu est là, le maître de la vie et de la mort et malgré l’épreuve de cette tragédie, il ne sera jamais caduc ni frappé de discrédit. Son temps de colère n’annonce-t-il pas la fin de la logique du déraisonnable ?

Me Sonet Saint – Louis av Courriel : Sonet43@hotmail.com