Hinche, https://www.lemiroirinfo.ca, Jeudi 17 Juillet 2020

Tous les hommes sont des hommes, mais ils ne sont pas tous les mêmes. On a connu des Ministres de la Justice et de la Sécurité Publique insensibles ou hostiles au sort si lamentable des  Officiers du Ministère Public, reconnus légalement pour des magistrats dans le plein sens du terme.

Ils ont toujours oublié, ces ministres, que la mise en application de la politique pénale du Gouvernement, cette mission dont ils sont bien nantis, ne peut nullement se réaliser que par le truchement exprès de leurs représentants de terrain, les parquetiers ou Commissaires du Gouvernement et Substituts des 5 Cours d’Appel et des 18 Tribunaux de Première Instance de la République. En ce sens que le Commissaire du Gouvernement, dans sa Juridiction d’affectation, représente le Ministre de la Justice.

Comme un père à vocation d’assurer absolument la prise en charge la plus décente de ses enfants, ainsi doit être le Ministre de la Justice envers ses parquetiers dont il n’est que le supérieur hiérarchique immédiat. Autant dire que soumettre le parquetier à un traitement tout indigne de son rang, ça ne peut aucunement faire honneur à un Ministre de la Justice responsable qui devrait pourtant s’assurer quotidiennement du vécu de son représentant sur le terrain.

Quand, au contraire, livré à lui-même pour les affaires les plus élémentaires, le Ministère Public se retrouve dans l’incapacité de s’assumer dans la société, la Magistrature perd aussitôt de sa valeur et de ses charmes. Et les résultats ne peuvent être qu’hypothétiques,  puisque celui qui doit poursuivre connaît des moments de gêne qui ne lui laissent pas la tâche facile.

Obligé, plus d’une fois, d’être lui-même un créancier qui ne peut pas s’acquitter de ses obligations, comment peut-il se sentir à l’aise devant un recouvrement de créance soumis à son appréciation ? Et quand le magistrat évolue dans la redevance obligée des tiers, combien ne se sentira-t-il pas désarmé dans sa mission si délicate de poursuivre ?

La loi fait obligation au magistrat de ne s’adonner qu’à la Magistrature comme activité, hormis l’enseignement. Et c’est plus que normal,  puisque le Magistrat, c’est le fonctionnaire spécial tenu à toute une gamme de retenues. Mais devant cette galerie de restrictions, ne s’est-on jamais demandé comment, par les temps que l’on connaît, vit le magistrat avec un salaire constamment rongé par la hausse si vertigineuse du dollar ? Voilà comment justifier les privilèges des indemnités, cartes de débit, et différentes autres primes compensatoires  réservées au magistrat dans tous les pays de droit civil, comme le nôtre. Les primes, c’est beaucoup moins des cadeaux que des droits. Il n’y a pas de magistrat sans ces primes qui lui permettent de contrebalancer son revenu mensuel. Les en priver illégalement, arbitrairement, et inhumainement, sous quelque prétexte que ce soit, c’est s’attaquer de front à l’existence même de la magistrature dans cette société encore si altérée de justice.

Tant que persistent ces conditions avilissantes et destructrices, les élèves-magistrats de l’EMA ne souhaiteront jamais opter pour la Magistrature debout qui ne fait que s’exposer à l’élimination voulue et sans cesse croissante. Et ceux qui l’avaient déjà choisie par souci d’élégance et de vivacité,  vivent dans la pleine déception, et ne soupirent qu’après le moment de s’en esquiver adroitement.

En toute honnêteté, le Magistrat debout, représentant de l’Exécutif dans le Judiciaire, bénéficie d’un bicéphalisme qui ne fait plutôt que le réduire à la méconnaissance voulue,  même de ses supérieurs hiérarchiques.

Les magistrats du siège ou juges, ils sont inamovibles avec chacun, son mandat. Les Commissaires et Substituts, au contraire, n’exerçant pas directement la fonction de juger, bien que moteurs incontournables de l’audience, ne sont pas inamovibles, et n’ont pas de mandat. Dans ce cas, ne devrait-on pas absolument penser à leur réserver un traitement nettement supérieur aux Juges, essentiellement en guise de compensation à leur inamovibilité ?

Et là, ce  serait bien leur faire justice, plutôt que de leur enlever impudemment tout ce que la loi et leur rang de magistrat leur accordent, en dépit même des clauses légales contraignantes qui les soumettent injustement au même traitement que les Juges, ce que l’on accepte plus ou moins, pour ne pas trop forcer la note.

A la vérité, ceux qui décident pour la Magistrature, chez nous,  ne maîtrisent pas toujours les rouages du Système Judiciaire. Plus d’une fois, ils ne comprennent pas même le ième de l’importance de ces Représentants du Ministère Public, partie intégrante à tout procès. Représentant la société,  l’Exécutif, il agit toujours comme partie principale au procès pénal. Et au civil, il doit agir pour les paysans, les mineurs, les absents et les interdits. Là, il exerce comme partie jointe. Autant dire que le quotidien de la magistrature ne peut aucunement se passer de l’apport du Ministère Public, avec la chaîne pénale appelée à être disponible, le jour comme la nuit.

Si le procès civil, chez nous, doit se terminer par l’exéquatur du Commissaire du Gouvernement, le procès pénal, au contraire, hormis la citation directe qui peut commencer par la victime, elle-même, ne peut commencer qu’avec  lui, se poursuit avec lui, et se termine avec lui.

Le Commissaire du Gouvernement, c’est la pierre angulaire dont le fonctionnement de la justice ne peut jamais se passer.

Conscient de nos déboires, le Ministre de la Justice tout frais et moulu, Parquetier de son état, et surtout avec son statut actuel de premier Ministère Public de toute la République, dans son souci majeur de s’insurger rigoureusement contre tout ce qui fait obstacle à une Magistrature plus dynamique devant répondre valablement à toutes les attentes de l’heure, entend bien souscrire à nos démarches pour faire œuvre nouvelle et valable, en promettant formellement de mener toutes les démarches viables pour mettre définitivement un terme à ces disparités de traitement et de privilèges, comme pour éliminer tout brandon de discorde qui s’attaque même à la survie de notre Magistrature en général.

 Déjà victime comme nous de la perversité de ces violations flagrantes de cette Loi du 27 novembre 2007, il s’avise comme le 4ème Ministre-Magistrat consécutif, de s’affirmer en la circonstance pour laisser son empreinte indélébile dans l’une des plus grandes réalisations du Ministère de la Justice. Et le plus réconfortant,  ceux qui le connaissent  n’ont jamais eu à l’identifier comme un perfide et un insouciant.

Nous le connaissons un peu limité, certes. Mais notre vigilance et notre farouche détermination à ne plus vivre les méfaits de cette infamie qui a même trop duré, et qui ne fait que nous avilir, avec ces coups de poignard impitoyables à la gorge, loin de le laisser insensible et indifférent comme tant d’autres d’ailleurs, ne pourront lui servir que de support et de catalyse à la tenue de ses promesses excessivement favorables à tout l’ensemble de la Magistrature en général.

Et ce sera vraiment l’aube des voies les plus fécondes et plus sûres pour le bonheur même de la Magistrature en Haïti. L’histoire lui en sera longuement reconnaissante pour lui frayer sa place de choix au rang de nos plus dignes preux.

 Qu’il daigne déjà, avec tous les remerciements anticipés de ces pauvres pères et mères de famille exploités et inhumainement bafoués dans leurs droits, bien s’assurer de toute notre franche collaboration sans réserve pour que son passage à la tête du Ministère lui apporte  tout un regain de  prestige, de sérieux, d’homme de devoir et de parole.

Auteur : Me. Fritznel HECTOR, Commissaire du Gouvernement de Hinche