Montréal, https://www.lemiroirinfo.ca, Jeudi 08 Juillet  2021

Personne ne pleure la mort du président haïtien Jovenel Moïse. On peut certes déplorer qu’il ait été assassiné, mais l’homme était un bandit et un incompétent notoire. Pire, il dirigeait le pays comme un dictateur et il voulait modifier la constitution pour garder le pouvoir. Cependant, l’assassinat de Moïse n’arrange rien. Le pays est déchiré par des guerres entre des bandes criminelles rivales qui n’hésitent pas à rançonner la population, pourtant déjà très pauvre. Comme le gouvernement haïtien ne possède pas vraiment d’armée et que ses forces policières sont faibles, il est incapable de nettoyer le pays de cette racaille. 

En quoi Jovenel Moïse était-il un dictateur, un bandit et un incompétent ?

Moïse gouvernait par décrets depuis le 13 janvier 2020. C’est que faute d’avoir approuvé une nouvelle loi électorale, l’Assemblée nationale avait été dissoute sans être remplacée. Le président Moïse voulait faire approuver par référendum le 26 septembre prochain une nouvelle constitution. Cette nouvelle constitution aurait aboli le sénat et renforcé les pouvoirs du président. Par ailleurs, Moïse a réduit considérablement les pouvoirs de la Cour supérieure des comptes. Or, cette cour enquêtait sur divers scandales de corruption et les entreprises de Moïse étaient dans le collimateur des juges. Enfin, les résultats économiques de Moïse ont été désastreux et sous son règne, les services gouvernementaux sont devenus de plus en plus dysfonctionnels.

Qui pourrait être derrière cet assassinat ?

L’assassinat du président d’Haïti paraît être l’œuvre d’amateurs. En effet, l’épouse de Moïse, blessée dans l’attentat, est toujours vivante, ce qui la transforme en témoin. La piste la plus probable est celle d’un règlement de compte interne, même si la tentative de déstabilisation du pays par une puissance extérieure ne peut pas être exclue. Les tueurs pourraient être des mercenaires à la solde de riches personnalités haïtiennes qui cherchaient à stopper Moïse.

Quelle est la situation économique d’Haïti ?

Haïti est un des plus pauvres pays de la planète. Selon Transparency International, sur 180 États, Haïti est le 11e plus corrompu. Une petite élite y accapare presque toutes les richesses. Le taux de chômage y avoisinerait les 70 %. Les revenus par habitant, parmi les plus bas au monde, plafonnent à 2900 $ américains. En comparaison, la République dominicaine, qui couvre l’autre partie de l’île sur laquelle se trouve Haïti, s’en tire beaucoup mieux. Avec une population similaire, elle parvient à générer des revenus de 18 400 $ par habitant, avec un taux de chômage d’environ 5 %. La République dominicaine est tout de même le 64e pays le plus corrompu au monde.

Comment la situation risque-t-elle d’évoluer ?

Malheureusement, rien ne permet d’être optimiste. Le premier ministre, Claude Joseph, qui venait d’être limogé lundi par Moïse, assume la direction d’un gouvernement d’urgence. Lui-même pourrait avoir trempé dans l’assassinat du président. Le premier ministre nommé par Moïse avant son assassinat, Ariel Henry, pourrait revendiquer le pouvoir, bien qu’il n’ait pas eu le temps de former un cabinet. Bref, les dirigeants haïtiens sont encore moins légitimes qu’avant, ce qui augmente les risques de chaos.

Comment sauver Haïti ?

La situation en Haïti a dépassé le stade où les solutions purement politiques sont efficaces. La solution passe par la mise sur pied d’une véritable armée qui pourrait mater les bandes criminelles et jeter en prison les politiciens et fonctionnaires corrompus. Incidemment, Jovenel Moïse voulait constituer une telle armée, ce que certains élus du Congrès américain lui reprochaient.

Auteur : Loïc Tassé

Source :https://www.journaldemontreal.com/2021/07/08/assassinat-du-president-haiti-senfonce