L’instabilité politique et sécuritaire en Haïti prend une nouvelle tournure à l’approche de l’année 2025, marquée par une grave crise institutionnelle qui semble inévitable. L’accord ayant conduit à la formation du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) en 2023, censé conduire le pays vers des élections, est désormais sur le point de se désintégrer, ne tenant pas face à l’ampleur des défis actuels. En effet, les conditions sécuritaires et institutionnelles rendent impossible le respect de cet accord, et un processus électoral crédible semble de plus en plus hors de portée. Cela laisse place à une « transition dans la transition », où les acteurs politiques et la communauté internationale devront se réinventer face à une crise qui ne fait que s’aggraver.
L’insécurité : un obstacle insurmontable
Le principal facteur qui compromet toute organisation d’élections en Haïti en 2025 reste l’insécurité grandissante qui touche l’ensemble du pays. Certaines zones comme l’Ouest et l’Artibonite concentrent traditionnellement une grande partie de l’activité électorale. Les gangs armés imposent leur loi dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite, ce qui compromet l’organisation des élections dans ces deux départements. « Imaginer le déploiement de matériel électoral, le recrutement de fonctionnaires, et même la simple participation des citoyens aux élections »?
Dans ces circonstances, la simple idée d’organiser des élections classiques couvrant l’ensemble du pays devient inconcevable. Le recrutement des membres des bureaux électoraux dans des départements sous la coupe des gangs est tout simplement irréalisable. Le processus électoral, loin de pouvoir avancer, est paralysé par des gangs qui exercent un contrôle territorial absolu, obligeant les autorités à se concentrer sur la survie plutôt que sur l’organisation d’élections.
L’exode des experts : un vide institutionnel
Un autre facteur majeur dans l’impossibilité de mener des élections en 2025 est l’exode massif des compétences électorales, un phénomène qui frappe durement le pays. Selon l’expert électoral Bolivar Louis, ce départ de talents est d’une ampleur telle qu’Haïti se retrouve aujourd’hui privé de l’expertise nécessaire pour gérer les aspects logistiques et techniques de l’organisation électorale. Les experts formés, notamment pour la gestion des listes électorales et la constitution des bureaux de vote, sont de moins en moins nombreux dans le pays, la plupart fuyant la violence et la détérioration des conditions de vie.
Cette fuite de cerveaux est la conséquence directe de l’instabilité économique et politique, qui rend la situation de plus en plus insoutenable pour les professionnels des secteurs vitaux du pays y compris le secteur électoral. Le pays se retrouve donc dans une situation où il est quasiment impossible de constituer des équipes compétentes pour gérer les aspects essentiels du processus électoral.
Les défis logistiques : une organisation impossible
Même en supposant qu’une organisation partielle des élections puisse être envisagée dans les départements moins touchés par la violence, l’ensemble du processus reste pratiquement irréalisable dans des conditions aussi précaires. Le recrutement des membres des bureaux électoraux départementaux et communaux représente déjà un défi logistique de taille, mais dans des régions contrôlées par les gangs, cela devient une mission risquée.
Même si le gouvernement ou la communauté internationale tentaient de déployer des forces de sécurité pour protéger le processus électoral, cela resterait insuffisant pour assurer la sécurité des électeurs et des fonctionnaires. Dans les régions sous le contrôle des gangs, il serait impensable d’assurer une protection suffisante pour permettre à la population de participer en toute sécurité au scrutin. Le simple fait de penser que les élections pourraient se tenir dans ces conditions relève de l’utopie.
Vers une transition dans la transition
Face à l’ampleur des défis auxquels le pays fait face, il devient évident que le processus de transition actuel ne pourra pas mener à des élections en 2025. L’accord qui a conduit à la formation du Conseil Présidentiel de Transition, bien que soutenu par des acteurs internationaux, ne sera pas respecté. La mise en œuvre de cet accord se heurte à des obstacles insurmontables, notamment l’insécurité, le manque de compétences, et l’incapacité de l’État à assurer ses fonctions de base.
C’est ainsi qu’Haïti semble entrer dans une nouvelle phase de transition politique, une « transition dans la transition ». Si l’accord de 2023 devait permettre de restaurer un semblant de stabilité en attendant des élections, il est désormais évident que ce processus a échoué. Le pays se retrouve dans une impasse, où la solution politique devra être réévaluée, redéfinie, et reconstruite sur de nouvelles bases. Un nouveau consensus devra être trouvé, impliquant peut-être une réorganisation totale du gouvernement intérimaire et une révision des priorités nationales. Le son rôle de la communauté internationale pourrait être amené à redéfinir, en soutenant un nouveau cadre de gouvernance pour sortir de l’impasse.
Une année 2025 incertaine pour les élections
Ainsi, à moins d’une transformation radicale de la situation sécuritaire et institutionnelle en Haïti, il paraît hautement improbable qu’un élu puisse prendre ses fonctions en 2025. L’insécurité, l’exode des compétences et les défis logistiques rendent l’organisation des élections pratiquement impossible. Ce qui était censé être une transition pacifique devient un processus de transition inachevé, où les acteurs politiques devront à nouveau redéfinir leur rôle et leur avenir. Haïti se trouve désormais dans une nouvelle phase de crise politique, où l’organisation des élections et le respect de l’accord initial semblent des objectifs lointains.
La Rédaction