En effet, « Épilepsie, troubles mentaux et folie » font des ravages en Haïti. Les patients sont arrivés pour certains, ligotés, violents et agressifs dans ce centre de santé mentale. Faisant fi des méthodes scientifiques, les parents des malades mentaux ont souvent lié ce phénomène naturel à des mauvais sorts maléfiques jetés sur leurs proches pour des raisons de jalousie ou pour de règlements de compte en ignorant les viraises causes de cette maladie.
Quartier Morin, https://www.lemiroirinfo.ca, Vendredi 11 Décembre 2020
Morne Pelé, localité de Quartier Morin, commune du département du Nord, est dotée d’un centre de santé spécialisé dans le diagnostic, la prise en charge et le traitement des patients victimes de pathologies psychologique et mentale. Avec un personnel constitué de 10 cadres (médecins, infirmières, psychologues et technologistes médicaux).
Toutefois, cette structure de santé spécialisée a une capacité d’accueil journalier de 40 patients. Un ouf de soulagement pour les proches des personnes souffrant de trouble mental, qui devaient au paravent, se rendre soit à Port-au-Prince ou en République Dominicaine, à la recherche des soins de santé appropriés.
En effet, le problème de santé mentale est souvent considéré comme un tabou, dans le département du nord. En causes : « le manque d’éducation ou l’ignorance de la population ».
Très souvent, on associe cette maladie à un mauvais sort, une pathologie maléfique. En dépit des efforts de communications et de plaidoyers autour de cette problématique de santé publique, cette idée préconçue persiste jusqu’à date.
C’est pour endiguer justement ce mal que ce centre de santé est mis en place.
Pour rejoindre cet hôpital de campagne, situé à 17 kilomètres, pour un trajet de 21 minutes à l’Est de la ville du Cap-Haïtien, sur la route menant au Parc naturel Ramier où se trouve la Citadelle, il faut traverser une grande plaine plantée de Canne- à-sucre.
Du lundi au samedi, une dizaine de patients venant du Grand Nord et d’autres départements plus éloignés du pays fréquentent ce Centre, à la recherche de services de santé psychologique et psychiatrique.
Le Centre est logé dans un bâtiment peinturé en vert, comme tous les hôpitaux du pays, d’ailleurs, sur un espace d’environ 400 m2, recouvert d’arbres, dans une tranquillité parfaite.
Pour y accéder, il faut traverser une barrière. Puis, on est reçu dans une grande salle d’attente, par un gardien qui vous donne un numéro. Ensuite, on doit juste emprunter un escalier qui vous donne accès aux salles de consultation.
Ce Centre prend en charge les personnes atteintes des troubles psychiques, épileptiques, de bipolarités et d’apprentissage. Il est en fait, administré depuis 2 ans, par le psychologue, Guesly Michel, spécialiste en santé communautaire.
« Ici, nous avons une institution qui s’occupe de la santé mentale des gens. Elle offre des auscultations psychologiques, réalise l’évaluation de la santé mentale des patients », explique avec notoriété, le jeune psychologue.
Guesly Michel souligne toutefois que pour le moment, dans ce Centre de prise en charge spécialisé, on ne retient pas les patients pour longtemps. « Nous avons la capacité de garder un patient en observation pendant quelques heures seulement », précise le spécialiste en santé communautaire. Néanmoins, il espère, avec l’aide de partenaires de la communauté internationale et de la participation des communautés locales, pouvoir répondre, dans les années à venir, aux demandes d’hospitalisation des patients.
Il est à noter que le centre de santé mentale, situé à Morne-Pelé, à Quartier-Morin, a pris naissance en octobre 2017.
Il possède pour le moment, une salle de consultation générale et psychiatrique, deux salles de psychologie, un laboratoire médical, une pharmacie, une ludothèque qui est un espace réservé pour le jeu avec des jouets pour les enfants en particulier.
Pour le soin des patients, le centre dispose d’un médecin psychiatre, un généraliste, 2 psychologues cliniciens, un psychologue éducatif et d’un psychologue pédagogique.
Cet hôpital de santé mentale, est une institution communautaire. Elle ne reçoit, pour l’ instant, aucun support financier et/ou technique de l’international. Son fonctionnement est en fait basé sur une initiative citoyenne.
Pour avoir accès à ses services, il faut débourser un frais de 2000 gourdes lors de la première consultation. Ce frais diminuera au cours des rendez-vous.
Guesly Michel, psychologue, responsable en chef du Centre, nous a fait savoir que cette institution est unique en son genre, dans le pays.
Le psychologue spécialisé en santé communautaire se débat jour et nuit pour que la santé mentale soit accessible à tout le monde, riche ou pauvre.
Par ailleurs, Guesly Michel dit déplorer que la santé mentale qui est un véritable problème de santé publique dans le pays, soit reléguée en arrière plan, dans les politiques publique de santé en Haïti. «La majorité des gens qui nous consultent souffrent de dépressions nerveuses et de traumatismes psychiques. Viennent en deuxième position, les troubles bipolaires, ensuite l’épilepsie qui est à la fois une maladie physique et mentale » a-t-il souligné.
Jean Joseph (nom d’emprunt) un proche d’un patient épileptique, nous confie tristement qu’il a failli tuer l’un de ses cousins, en croyant qu’il était à l’origine de la maladie de son père âgé de 65 ans. « Notre famille a cru que c’était un mauvais sort. Des charlatans nous ont même révélé que notre père souffre d’une maladie maléfique » se désole Jean Joseph.
Il avoue que c’est grâce aux ordonnances des médecins de ce Centre que son cousin puisse heureusement avoir la vie sauve aujourd’hui.
L’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) conjointement avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un rapport sur la culture de la maladie mentale en Haïti déclare ne disposer pas de données fiables sur la prévalence des problèmes de santé mentale en Haïti. La répartition des diagnostics observés dans un hôpital psychiatrique a été estimée de la manière suivante : schizophrénie (50 %), trouble bipolaire avec manies (30 %), autres psychoses (15 %) et épilepsie (5 %).
Aussi, face à la sous-estimation de la population du tabou, de la peur, l’État haïtien ne devrait-il pas s’impliquer davantage en vue de dopter le pays d’une politique publique de santé mentale ?
Les troubles mentaux ou psychiques sont la principale cause de maladies non mortelles dans le monde. Ils représentent globalement 23% des causes de handicap devant les troubles musculosquelettiques : 21,3 %. Ces chiffres viennent de « Global burden of disease study », parut le 29 août 2013 dans les colonnes du journal médical britannique The Lancet.
Auteur: Mackenz Dorvilus, courriel: mackdorvi@yahoo.com