
L’enseignement à distance a trouvé toutes ses utilités en périodes de troubles et de pandémie. Car, ces situations limitent les déplacements des apprenants. La pandémie de la Covid-19 a fait surgir et témoigner l’importance du numérique dans tout programme visant la transmission du savoir. Encore plus, pour certains étudiants qui aimeraient acquérir de nouvelles compétences mais qui sont privés des moyens de luxe pour se rendre dans les pays ou les connaissances recherchées sont disponibles. «Si les responsables avaient jeté les bases du numérique, le campus universitaire Henry Christophe de Limonade ne devrait pas être livré aux grands vents » a dit l’ingénieur civil, Daphné Mettelus, l’ancien président de la Faculté des Sciences et de génie de cette université.
Cap-Haïtien, https://www.lemiroirinfo.ca, Dimanche 07 Juin 2020
Le campus Henry Christophe de l’université d’Etat d’Haïti à Limonade (CHC/UEHL), est un don reçu de la République Dominicaine après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010. Une date qui ne devrait pas être oubliée et forcée une réflexion majeure chez les responsables de la première vraie excroissance de l’UEH, que malheureusement, il faut plutôt parler d’irresponsables. Nous avons reçu ce don à la mémoire des centaines de milliers de nos frères, sœurs et amis, qui ont été péris dans cette catastrophe naturelle, du fait même que cette société a depuis trop longtemps tourné le dos à la science et à la modernité.
Cette date (12 janvier 2010) est toujours dans les limbes ou dans l’angle mort des dirigeants actuels du campus de Limonade. Pourtant, le premier président du conseil de gestion, le Professeur Jean-Marie Théodat s’était toujours dit habité par la charge émotionnelle de cette date funeste qui a permis le premier et seul campus de l’UEH.
Ainsi, il s’est attelé à mettre en place une administration efficace et un fonctionnement transparent en mémoire des disparus de la catastrophe du 12 janvier et son enthousiasme à mettre sur pied les cycles licence, master, doctorat (LMD) dès le début de la réception de l’ouvrage constituant le campus en est un témoignage convaincant.
La première promotion du campus a été acceptée en 2012, et l’avenir des jeunes universitaires semblait être assuré en se tenant aux projets déclarés que le Professeur Jean-Marie Théodat avait dans son sac pour ce campus. On peut en citer à sa décharge que sous sa gestion, les étudiants ont toujours participé à des enquêtes, aux débats, et à des grandes conférences sur l’avenir du Campus. L’établissement profitait aussi de ses relations dans l’international pour permettre aux étudiants d’échanger avec les Ambassadeurs de Taiwan et de France, des représentants de l’USAID, de l’UNESCO, etc. C’était trop beau pour que ça puisse durer dans un pays où les dirigés veulent diriger les dirigeants, et nous étions témoins à la disparition physique de ce responsable au sein du campus et l’enterrement de ses projets.
Un vide physique et institutionnel nous a été légué à la faveur de ce machiavélisme ourdi par des responsables encore en place, et cette vacuité persiste comme une douleur vive et une profonde blessure. La plaie est d’autant plus vive du fait que même les étudiants les plus farouches anti-Théodate et qui ont été poussés à le combattre vaillamment n’ont pas pu le dissimuler à la cérémonie de graduation d’Avril 2019.
Parmi les projets de l’ancien dirigeant figurait en bonne place des cours en ligne, l’un de ses objectifs pour relever le niveau et la qualité de l’enseignement et faciliter l’intégration du campus dans le réseau des universités internationales pour bénéficier de l’expertise de professeurs compétents et reconnus, ce qui n’aurait pas été un luxe au temps de la COVID-19.
Si les autorités et les responsables priorisaient l’éducation comme boussole et une arme de changement, une telle démarche n’aurait pas été jetée aux oubliettes et survivrait à la conspiration ayant conduit à la destruction de l’homme et de ce qu’il pensait réaliser pour le bien de l’institution et du pays.
La République d’Haïti se doit de constater que l’enseignement à distance est plus que jamais une priorité, vu le nombre de mois perdu par les étudiants et élèves à toutes les années par les perturbations politiques en alternance dont la plus aigue est le « peyi lok » et maintenant la COVID-19, ou « mond lok ». Ces situations nous mettent dans le couloir d’obligation pour adopter de nouvelles façons de faire pour sauver même à minima certains acquis, plus impérieusement dans ce coin du pays.
Permettez-moi maintenant ces questions qui tuent ou à un million de dollars. Comment le faire ? Qui peut le faire ? Pourquoi le faire ? Pour qui le faire ? À quelles fins utiles qu’on devrait le faire ?
Depuis l’arrivée du nouveau conseil de gestion au campus de limonade, soit en 2015, il y a lieu de parler d’un conseil de la mauvaise gouvernance, supporté par quelques affairistes débarqués de Port-au-Prince et sans qualifications garanties en milieu universitaire. On veut pour preuves certains de leurs actes et non des moindres :
- Abattre de cloisons des bâtiments pour fusionner ou diviser des salles sans finalités claires, se trompent-ils de boulot en étant des maçons ?
- En 2017, le résultat du concours d’admission était sur les réseaux sociaux avant les dernières vérifications académiques d’usages et la publication officielle.
- En 2019, les épreuves des concours d’admission étaient sur la place publique depuis plusieurs jours, ce qui a forcé le président du conseil à annuler les résultats.
Faute de professeurs, les sortants avec deux années de retard étaient obligés de se rendre à Port-au-Prince pour suivre des cours bâclés par des amis des responsables selon des horaires incongrus au péril de leur vie dans une capitale livrée au pillage et à feux (premier peyi lok).
Ces ratés et bien d’autres n’ont jamais été sanctionnés et les « irresponsables » continuent à démolir avec appétit cette institution et comme aucune solution ne profile à l’horizon, faut-il croire qu’ils sont gratifiés pour leur médiocrité et leur immoralité ?
La faculté des sciences et de génie (FSG) du Campus compte deux spécialisations : civil et électrique. Cela fait des années que les étudiants des dites filières n’ont pas cessé de lancer des appels au secours à une faculté en péril, parce que le nouveau conseil de gestion du campus a installé un responsable ad iterim (ai) qui n’est ni ingénieur civil, ni ingénieur électrique, mais sorti de l’École Normale et a fait le plein de cette confrérie pour diriger le département des sciences appliquées.
Depuis 2016, il n’a rien proposé, rien produit pour la faculté en dehors de jouer avec la pondération des matières. On ne devrait pas être étonnés, cette génération de grévistes et de syndicats d’étudiants suivant les cours dans les rues de Port-au-Prince ne peuvent transmettre que ce qu’ils ont appris sur les barricades de pneus enflammés et l’intimidation comme moyens de réussite.
La première promotion qui est celle du martyr, devant l’évidence de l’incapacité du responsable a.i et au fort du doute sur leur avenir a déclenché en 2016 une levée de boucliers pour exiger des dirigeants qualifiés et compétents pour mener à bon port la barque du génie. Refusant de nous entendre et fonçant toujours dans leur bêtise, le conseil a expulsé deux de nos camarades à fin de brider et étouffer nos revendications. Très forts dans le faire semblant, ils ont sortis de leur chapeau durant la trêve négociée leur préoccupation à trouver un responsable compétent, ayant les qualités nécessaires et au fait des réalités académiques tant au niveau national qu’international. Nous étions soulagés par l’annonce de la venue d’un ingénieur civil vivant au Canada, œuvrant dans ce domaine en plus d’être un capois décidant de s’installer à Limonade du nom deFélix Marré.
Il était venu et nous a été présenté, il a fait ses débuts en enseignant durant plusieurs semaines un premier cours de rattrapage « Economique de l’ingénieur », une intersection entre les mondes de finances et d’ingénierie. Nos premières rencontres, nos échanges et les partages sur la situation actuelle lui avaient fait comprendre la nécessité de planifier des cours de rattrapage pour les premières cohortes et d’un départ à neuf des prochains admis sur la base d’un nouveau curriculum soumis au conseil. Il a confié en toute modestie que le travail est titanesque et ne peut pas être l’œuvre d’une seule personne vu la carence de compétences adéquates liée à la localisation du campus. De ce fait, il s’organisait à contacter des professionnels enthousiastes à l’idée d’apporter à ce pays leur contribution par le biais de l’éducation et sa toute première démarche visait à doter la faculté d’au moins une salle d’enseignement à distance.
Un spécialiste était attendu pour mieux choisir la salle à équiper et les bons outils à cet effet, tout ceci sans coûts pour la trésorerie du campus. Il mettait l’accent sur : l’obligation d’une bibliothèque avec une composante virtuelle pour faciliter la recherche et la production de connaissance ; une fondation pour financer l’avancement de l’enseignement et l’aide aux étudiants en difficultés qui souvent viennent de très loin, et surtout le développement des chaires pour faciliter la recherche fondamentale et appliquée nécessaire au pays.
Seriez-vous étonnés que les dirigeants du campus de Limonade aient ligué contre lui et tiré un trait sur tous ces projets d’avenir pour le campus ? Juste pour s’assurer que l’ « irresponsable a.i » non qualifié et incapable puisse continuer à être un pantin dont les huiles du conseil pourraient continuer à tirer ses ficelles. Ils ont compris que tout professionnel qualifié ayant le caractère et l’étoffe d’un dirigent agirait comme disait M. Marré dans les intérêts de l’institution, être un serviteur de ses étudiants et aussi un modèle en : moralité, équité, respect et justice sociale. Cette situation combinant, triques, ruses et coups bas perdure du fait qu’ils sont experts en opposant les étudiants entre eux, dévoient les jeunes filles, par des convoitises, des menaces et de la corruption pour se maintenir à leurs postes. Voilà, le constat et le bilan des dirigeants du campus de Limonade. Ce qui oblige les responsables du pays de se pencher sur l’avenir du lieu et des jeunes desservis par cette institution. À l’heure du numérique, il est plus que nécessaire de s’approprier les outils pouvant pallier aux interruptions à répétition du contexte chaotique de la vie nationale.
Ces enjeux et défis sont incontournables à moins d’avoir choisi d’être le fossoyeur d’un rêve et de tuer à nouveau des centaines de milliers de morts du 12 janvier 2010. Gens du Grand Nord, vous êtes particulièrement interpellés si la vie universitaire au campus Henry Christophe vous préoccupe le moindrement et ne voudrait pas qu’elle sombre dans une tragédie semblable à celle des dix hommes noirs d’Etzer Vilaire. Il se fait tard et sa disparition du paysage arrive à grandes enjambées si vous n’en faites plus cas et ne prenez pas en main le destin de la relève. Hélas !
Auteur : Daphné Mettelus, Ing. Civil