Port-au-Prince, https://www.lemiroirinfo.ca, Mardi 05 Janvier 2021

Le changement, en général, participe du constat d’un malaise, d’une insatisfaction, en un mot d’un problème et surtout de la volonté manifeste de le résoudre. L’évaluation de toute situation inconfortable conduira à cinq actions de changement:

  1. Consolidation, conserver les acquis et endiguer les actions nuisibles.
  2. Amélioration, apporter du plus aux acquis.
  3. Correction, diminuer les dérives
  4. Transformation,  agir sur les forces négatives pour les rendre positives.
  5. Innover, inventer d’autres paradigmes visant la satisfaction.

Le processus d’élaboration de la nouvelle constitution passera par quatre phases:

  1. Compréhension des dérives de la situation d’avant 7 février 86
  2. Identification des forces et des faiblesses des constitutions de 1987 et de 2011
  3. La volonté de se démarquer de la dictature d’avant 87, des passions exacerbées et des biais des constitutions de 1987 et de 2011.
  4. Élaboration d’une constitution 2021 inclusive, raisonnée, revue, corrigée, améliorée et novatrice.

Ainsi, le travail de rédaction de cette nouvelle constitution suppose des connaissances préalables de la part des constituants.

I-RAPPEL HISTORIQUE DE 1940 À NOS JOURS (2020)

Pour comprendre les répétitions, les similitudes, les orientations dirigées, les dérives, le poids des passions….

II-PRISE ET GESTION DU POUVOIR POUR LES PÉRIODES

-1940 @ 1957

-1957 @ 1986

-1986 @ 2020

A- bien assimiler le pouvoir réclamé par les plus nombreux et les plus capables (les authentiques) face au pouvoir détenu par une minorité au nom de l’hérédité,  du savoir et des richesses.

B- bien comprendre les rapports des forces soutenant les pouvoirs d’avant 46 et la lutte contre le communisme naissant.

C- saisir la gestion du pouvoir des Duvalier, père et fils

D-) disséquer la lutte pour le maintien du pouvoir par les communistes évincés et les nostalgiques.

E- Tenir compte de la géopolitique et du poids de l’ingérence du CORE GROUP, de l’ONU, de L’OEA, du CARICOM, bref de la Communauté Internationale au détriment de la souveraineté nationale, des fondements de la diplomatie, de la non-ingérence et du devoir de réserve.

III-COMPORTEMENTS DES GESTIONNAIRES DE LA RES PUBLICA FACE AUX INSTITUTIONS.

  • Leurs responsabilités personnelles en plus de celles liées à la fonction.

IV-ANALYSE DES CONSTITUTIONS DE 87 ET DE 2011

(Pour mettre en exergue leurs forces et faiblesse)

V- NOUVELLE SUBDIVISION DE LA POPULATION EN TROIS SECTEURS

-PUBLIC

(État central et collectivités)

-PRIVÉ

(Société civile)

-MIXTE

(Partis politiques)

VI-MAITRISE DES CONCEPTS

*(INSTITUTION INDÉPENDANTE VERSUS

INSTITUTION AUTONOME ou

INSTITUTION SOUS TUTELLE)

*(DÉCENTRALISATION VS DÉCONCENTRATION.)

-SOCIÉTÉ CIVILE

-PARTI POLITIQUE

-ORGANISME ET ORGANE

VII-

ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE L’ÉTAT

Les termes de référence de toutes les fonctions à occuper dans l’administration publique sont définis dans les constitutions de 87 et de 2011, dans les lois de 82 sur l’uniformisation des structures administratives, sur les agents de la fonction publique, dans les décrêts complétifs, supplétifs ou explicatifs de 2005 et 2007 et dans les lois organiques.

Notre pays est organisé en deux grandes structures:

A- un ÉTAT CENTRAL avec neuf(9) entités, (toutes à compétence nationale.)

Ces neuf entités ou organismes sont des structures administratives qui ont des missions propres et bien définies.

Les chiffres utilisés dans cette présentation sont à titre indicatif. Les entités

n’ ont aucune dépendance ni suprématie, l’une par rapport à l’autre.(chaque âne braie et broute dans son pâturage), sauf quelques rares exceptions, le Président de la République dans son rôle de Garant du bon fonctionnement de toutes les Institutions.

Voici les neuf Institutions de l’État Central

1-EXÉCUTIF

2-LÉGISLATIF

3-JUDICIAIRE

4-CONSEIL ÉLECTORAL

5-COUR SUPÉRIEURE des COMPTES et du CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

6-OFFICE de PROTECTION de la CITOYENNE et du CITOYEN

7-ACADÉMIE du CREOLE HAITIEN

8-CONSEIL de L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.

9-CONSEIL CONSTITUTIONNEL

(La notion de pouvoir pose problème, soit on appelle les neufs entités

« POUVOIRS » soit on les appelle STRUCTURES de l’État Central)

B-Voilà les Institutions des COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(art 61 @ 87) qui sont au nombre de six, et qui sont à compétences Départementale, Communale et de Section Communale.

Ces six entités des Collectivités se divisent en 3 de Gestion et en 3 de Contrôle.

Les trois structures de Gestion sont:

1- le CONSEIL DÉPARTEMENTAL(10)

2-le CONSEIL COMMUNAL(146)

3-le CONSEIL de SECTION COMMUNALE.(576)

Les trois structures de contrôle sont:

1-l’ASSEMBLÉE DÉPARTEMENTALE (10)

2-l’ASSEMBLÉE COMMUNALE(146)

3-l’ASSEMBLÉE DE SECTION COMMUNALE(576)

Développons la première entité de l’État Central.

I- EXÉCUTIF bicéphale

a- Présidence dont l’organe,  le Président,  joue les rôles spécifiques suivants:

-chef de l’état et chef nominal des forces armées.

-vigile du respect et de l’exécution de la constitution et des décisions judiciaires.

-sentinelle de la stabilité des institutions.

-assureur du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de la continuité de l’Etat.

-garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire.

-négociateur et signataire de traités, conventions et accords internationaux.

-le Président déclare la guerre, négocie et signe les traités de paix.

-il choisit le Premier Ministre et met fin à ses fonctions.

-il accrédite ses ambassadeurs, reçoit les lettres de créance des ambassadeurs étrangers et accorde  exéquatur aux consuls.

-il nomme le commandant en chef de chacune des deux composantes de la force publique (l’Armée et la Police, les Directeurs Généraux ???de l’administration publique, les Délégués de département, les Vices Délégués d’arrondissement et les membres des Conseils d’administration des organismes autonomes.

-Enfin le Président fait sceller les lois, les promulgue et dispose du droit d’objection, de grâce, de commutation de peine et d’amnistie

(Constitution, 136 à 147)

IMPORTANT

LE PRÉSIDENT N’A AUCUN AUTRE POUVOIR

(art 150)

LE PRÉSIDENT NE PEUT REMPLACER AUCUN AUTRE ORGANE DES ENTITÉS DE L’ÉTAT CENTRAL NI DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES.

IL PEUT PRENDRE DES ARRÊTES MAIS JAMAIS DE DÉCRÊTS.(ambivalence à corriger)

IL N’EST PAS GESTIONNAIRE PUBLIC DONC PAS COMPTABLE DE DENIERS PUBLICS.

IL N’A PAS À SIGNER LES RÉSOLUTIONS POUR ENGAGER DES DÉPENSES.(à  corriger)

IL N’EST PAS ASSUJETTI À LA DÉCLARATION DE PATRIMOINE.

b- Primature (art  263 @ 274) dont l’organe est le Premier Ministre.

Il est le chef du Gouvernement

Il nomme les Ministres et les Secrétaires d’État, les Directeurs Généraux (sommet des agents de la fonction publique in gestion de leur carrière, à ne pas confondre avec les Directeurs Généraux des Organismes Autonomes) et met fin à leur fonction.

Le Premier ministre préside le Conseil de Gouvernement.

Il gère le pays et la fonction publique dont il nomme les agents qui font carrière.

Il exécute les décisions judiciaires

Il a son représentant dans le judiciaire (commissaire du gouvernement)

II-LÉGISLATIF

(art 88 @ 132)

Composé de trois Assemblées

1- Assemblée Nationale dirigée par un bureau sans questeur et fonctionnelle à des moments bien précis..

2-Assemblée des Sénateurs

3-Assemblées des Députés.

Ces deux dernières assemblées fonctionnent chacune avec  un bureau avec questeur et des commissions permanentes et ad hoc.

III-JUDICIAIRE (173 @ 184)

Fonctionnant avec trois* branches de gestion (coordination)

1-Gestion du personnel judiciaire (inexistant,)

2-Gestion de la logistique

3-Gestion des jugements par les tribunaux (Cour de Cassation, Cours d’appel, Tribunaux de première instance et d’exception)

IV-CONSEIL ELECTORAL (art191 @ 199)

Pour l’organisation des élections, la gestion des contentieux et la proclamation des résultats.

V-CONSEIL DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (art 208 @ 211

VI-COUR SUPÉRIEURE DES COMPTES ET DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

(art 200 @ 205)

VII-OFFICE DE LA PROTECTION DE LA CITOYENNE ET DU CITOYEN (art 207…))

VIII-AKADÉMI KRÉYÒL AYISYEN

(art 213….)

IX-CONSEIL CONSTITUTIONNEL (art.190 bis)

LES INSTITUTIONS D’EXCEPTION

*-HAUTE COUR DE JUSTICE (art 185 @ 190)

*-CONSEIL DE CONCILIATION ET D’ARBITRAGE

(art 206)

B- les Collectivités Territoriales au nombre de six dont les aires de compétence respective sont le Département, la Commune et la Section Communale.

(art 61 @ 87)

  • Elles sont divisées en structures de Gestion(3) et de Contrôle(3)

B-1) STRUCTURES DE GESTION

  • Conseil Départemental qui gère le département et coordonne ses Conseils Communaux.
  • Conseil Communal  qui gère la commune et coordonne ses conseils de  section communale.
  • Conseil de Section Communale(CASEC) qui gère la section communale.

B-2) STRUCTURES DE CONTROLE

  • Assemblée Départementale qui contrôle la gestion du Conseil Départemental
  • Assemblée Communale qui contrôle la gestion du Conseil Communal
  • Assemblée de section communale(ASEC) qui contrôle la gestion du Conseil d’Administration de Section Communale.

#-) DEUXIÈME PARTIE

RAPPEL À L’ATTENTION DES MEMBRES DE LA COMMISSION ET DES CONSTITUANTS.

I-POINTS FORTS DE LA CONSTITUTION DE 1987.

1-Organisation de l’État à deux Niveaux

A-ÉTAT CENTRAL

B-COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

2-Ajout des Institutions Indépendantes à coté des 3 pouvoirs traditionnels

3-Élévation de l’Enseignement Supérieur au niveau d’Institution Indépendante et son retrait de la tutelle du MENFP.

4-Droit de cité au créole à travers son statut de langue nationale et officielle et aussi par la création de l’Académie du créole.

5-la Création de l’Office de  Protection de la Citoyenne et du Citoyen.

6-la Création du Conseil Constitutionnel

7-la Création du Conseil Électoral pour organiser les élections à la place du MICT

8-La Promotion du vodou par l’institutionnalisation de la laïcité de l’État et la liberté de cultes.

9-La garantie des libertés fondamentales et individuelles.

10-l’institutionnalisation des partis politiques.

11-Structuration de la Décentralisation à

trois niveaux de compétences (départementale, communal et de section communale),

et à deux types de structure 1-Gestion (Conseil Départemental, Conseil Communal et Conseil de Section Communale) et 2-Controle(Assemblée Départementale, Assemblée Communale et Assemblée de Section Communale)

12-la separation de la force publique en deux entités

a-les Forces Armées d’Haïti sous la tutelle du Ministère de la Défense et

b-la Police Nationale sous celle du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique.

II-LES POINTS FAIBLES DE LA CONSTITUTION DE 1987.

1-Création d’un exécutif bicéphale,(Présidence et Primature).

La primature aura du mal à s’accommoder de la présidence déjà expérimentée. De plus la dictature redoutée de la Présidence est renvoyée au législatif qui contrôle déjà la primature.

L’amendement de la constitution en 2011 renforce la main mise du législatif sur la présidence et l’étend sur le judiciaire avec le CSPJ.

2-Le droit par le législatif d’octroyer des décharges.

3-l’exclusion d’entités politiques pour 10 ans de la vie politique du pays.

4-l’inclusion de la clameur publique dans la mise en mouvement de l’action publique.

5-l’exclusion des haïtiens de la diaspora de la gestion des affaires de leur pays.

6-La nationalité  haïtienne exclusive d’autres nationalités.

7-la notion ambiguë d’haïtien d’origine.

8-la structure des collectivités territoriales trop lourde.(les Départements seront des relais de l’administration centrale et des coordinations de l’action des communes qui seront des collectivités de gestion englobant les sections communales)

9-la cohabitation conflictuelle du Président et du Premier Ministre

(Attributions mal définies et départagées)

10-le Président n’est pas comptable de deniers publics, et pourtant il préside le conseil des Ministres et signe des résolutions de dépenses.(une proposition, le Président sera comptable de deniers publics. Il se choisira, parmi ses ministres, un vice président qu’il nomme.)

11-Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire est une main mise du législatif sur le judiciaire. On a besoin d’une structure pour la gestion du personnel judiciaire.

12-non respect de la carrière des agents de la fonction publique (6 mois pour faire des réformes, et pour interpeller le Premier Ministre pour vote de censure,)

13-Déstabilisation du Gouvernement (interpellation du P M chaque 6 mois)

14-non droit de cité aux partis bannis.

15-non apprentissage du respect du jeu démocratique (existence du parti duvaliériste)

16-Non mise en place des institutions de décentralisation après 33 ans (Conseil Départemental, Assemblée  Départementale, Assemblée Municipale)

17-Structures de décentralisation  trop lourdes.

18-Les lois d’accompagnement et d’uniformisation non édictées. (Loi organique de l’Armée)

19-mandats contradictoires de 6 ans (2 et 4 ans) aux sénateurs. (durée du mandat qui doit être unique pour  les sept catégories d’élus)

20-absence de balises pour le fonctionnement des partis politiques, de la presse, des organisations sociales et de la gestion des manifestations sur la voie publique.

21-Laïcité de l’état sans  l’obligation de l’étude du fait religieux.

22-Le dernier dimanche de novembre pour la tenue des élections (la journée est trop courte; le soleil se lève tard et se couche tôt, (nous ne disposons pas d’électricité)

23-Équivoque sur le timing de  l’utilisation du Référendum (avant ou après  la réforme constitutionnelle). Pourtant la constitution est précise « pas de référendum pour changer la constitution »

24-Transitions planifiées et à tout prix pour prendre le pouvoir sans les élections.

25-Infiltration des institutions démocratiques

(Juges et parties à la fois

)

26-le pays ne peut pas se payer le luxe d’organiser chaque année des élections, ou  encore disposer pour chaque élection d’une loi électorale.

27-La nationalité haïtienne qui est de sang (mère, père ou mère et père) et qui ne doit plus être exclusive d’une autre nationalité

28-correction des dérives de la constitution de  2011

a-Premier Ministre remplace le Président (4 ans)

b- Le parlement remplace le président au cours de la dernière année (art 134-1)

c-Mise à l’écart de la Cour de Cassation (art 134)

d-Le CSPJ qui coiffe la Cour de Cassation au lieu d’organiser la gestion du personnel judiciaire.

e-introduction de formules laconiques voire ambigües « suivant la date de l’élection » déjà prévue  (art 134-2)

« Mandat censé avoir commencé »,

« Article épuisé » de quel travail d’hercule ou de Sisyphe?,

« Article inopérant » et enfin

« Concilier temps constitutionnel et temps électoral » fâchés depuis quand?

-non mise en place des institutions vitales pour la garantie de la démocratie.

g-limitation des actions de l’exécutif en soumettant certains de ses organes à la merci du législatif

h-déplacer le curseur de la dictature de l’exécutif vers le législatif.

#-) TROISIÈME PARTIE

La Commission Consultative Indépendante (CCI) doit :

1-tenir compte des réflexions déjà produites sur la nouvelle Constitution,

(J. Tardieu, COMSHI,

C. Péan,

L. Saintilus,

M. Manigat…) pour ne citer que celles-là.

2-obtenir l’avis des experts(droit constitutionnel et administratif)

3-consulter les trois secteurs de la population par le biais de leurs structures organisées(public, privé, mixte)

4-travailler dans la transparence et donner large publicité à ses activités.

5-adapter ses documents de travail et son échéancier au fur et à mesure qu’elle reçoit des réactions et/ou à partir des rencontres d’échange.

Fort de toutes ces considérations, une nouvelle Constitution devient une impérieuse nécessité. Toutefois son élaboration oblige la mise à l’écart des passions et des attitudes revanchardes et l’adoption du dialogue sincère qui aidera à panser les maux et à penser autrement.

Auteur : Claude PÉAN, Professeur  aux Universités