Maitre Delcarme BOLIVARD a dressé un tableau sombre des scandales ayant marqué cette 50me législature haitienne et hésite entre la primauté du Droit sur la réalité socio-politique et l’influence des intérêts politiques sur le Droit.  Le spécialiste en Droit parlementaire laisse parler sa science et ses pensées autour des pratiques politiciennes haïtiennes et l’interprétation des lois en situation de troubles politiques.

Cap-Haitien, https://lemiroirinfo.ca, Mercredi 08 janvier 2020

Les regards rivés sur la dernière législature haïtienne en date, dégagent un ensemble d’énergies intellectuelles sur ce qui est, en termes de l’existence de ce pouvoir, sur ce qui devrait être, en termes du respect des lois y relatives et sur ce qui sera, compte tenu de l’ampleur de la situation qui s’annonce triste à nos parlementaires. La 50ème législature haïtienne a sa marque d’inefficacité légistique et est le symbolisme de la chute des institutions républicaines nationales. Ces composantes, pour la plupart viennent de nulle part, ou d’un bouillonnement de médiocratie absolue.

Nous n’exposons pas les faiblesses de la 50ème législature haïtienne comme le plus terre-à-terre, ou du moins, qu’elle soit la plus visible des critiques du pouvoir législatif. Cependant, considérant le désaccord entre les normes juridiques et les réalités sociopolitiques saillantes de cette génération de parlementaires, nous sommes convaincus que nulle se désigne cette législature, dont un très large constituant doit partir le deuxième Lundi du mois de janvier 2020 sous les effets de la loi. Or, se rappelant qu’à Haïti, continuellement, c’est le Droit de la politique qui prime sur la politique du Droit, tout peut être attendu ce jour-là.

La 50ème législature accouche les parlementaires haïtiens les plus déblatérés. Que ce soient dans leurs actes accomplis, que ce soient dans leurs mentalités, les parlementaires de la 50ème législature se tuent sans même qu’ils le sachent sous les conséquences malheureuses de l’histoire politique nationale. Entre autres, citons quelques mauvaises images dressées par certains parlementaires de la 50ème législature :

1- Le nom de Gary Bodeau et celui Gandhy Dorfeuille auraient été cités dans le scandale de l’achat de l’eau et du café pour la chambre basse;

2- Le Sénateur Garcia Delva serait accusé de complice dans un dossier d’enlèvement;

3- Le Sénateur Jean-Mari Ralph Féthière aurait pointé l’arme et tiré sur une foule le menaçant, disait-il;

4- le Sénateur Onondieu Louis aurait été accusé dans un dossier de corruption;

5- Les noms des Sénateurs : Dieudonne Luma Étienne, Jacques Sauveur Jean, Kedlaire Augustin, Wilot Joseph et Wilfrid Gelin auraient été cités dans le scandale de 500.000 dollars américains pour le vote du Premier Ministre nommé Fritz-William Michel;

5- Le vandalisme de la chambre basse et celle Haute par les parlementaires, respectivement, députés et sénateurs de l’opposition.

A noter que, cette liste des actes causés par les parlementaires de la 50ème législature n’est pas exhaustive. Elle se focalise sur l’intention de ternir la représentation parlementaire haïtienne.

À quoi faut-il attendre le 13 janvier 2020? Les compromis politiques, seront-ils primés sur les normes juridiques? Pourquoi certains parlementaires de la 50ème législature haïtienne doivent partir et d’autres rester? Quel est l’intérêt du pays en tout cela ? Par ces questions, nous nous tâcherons d’en faire sortir la lumière.

La Constitution du 29 mars 1987, amendée le 09 mai 2011, en son chapitre II, sections A et B, traite les conditions requises pour être député et sénateur. Il (Chapitre) dispose des missions parlementaires et laisse le soin à la loi organique électorale de préciser les règles du jeu démocratique. D’où l’existence de toute une myriade de décrets, de décrets lois et de lois électorales à Haïti.

Le dernier cadre légal des élections à Haïti en date, est le décret du 02 mars 2015 sous l’égide duquel s’organisaient les élections des collectivités territoriales, celles législatives et exécutive. Ce décret fixe la durée du mandat des élus et précise clairement les moments électoraux dans le but de ne laisser aucun vide institutionnel au nom de la souveraineté populaire. Il convient de signaler que mises à part certaines communes des départements du pays où les élections au premier degré étaient à reprendre, dans d’autres tout allaient pour le mieux. Il va de soi pour le législatif. Alors que pour l’exécutif, il fallait attendre jusqu’en 2016 pour que les élections aient été acceptées comme bonnes.

Maintenant, il reste à savoir, déjà pour la chambre basse c’est totalement clair puisque les députés ont accompli leur mandat de quatre ans, qui doit partir comme membres du Grand corps. A ce niveau, deux approches méthodologiques doivent être envisagées : les effets des normes juridiques établies et la force des réalités sociopolitiques haïtiennes. De ces deux démarches, nous insistons sur la première pour la simple et bonne raison que le Droit (en matière de loi) a pour vocation première de régulariser le corps social et de maintenir un équilibre entre ce qui se fait et ce qui doit se faire.

Pour la Constitution en vigueur en son article 95, elle dispose :  » _Les sénateurs sont élus pour six (6) ans et sont indéfiniment rééligibles._ » et l’article 95.3 poursuit :  » _Le renouvellement du Sénat se fait par tiers (1/3) tous les deux ans._ » Ce qui signifie que la Charte mère de la nation fixe la durée du mandat des sénateurs. Donc, tous les sénateurs qui rentraient le deuxième Lundi du mois de janvier 2016, dépendamment de leurs quantités de voix obtenues, devraient, respectivement laisser le Parlement en 2018 et en 2020, dont le deuxième Lundi du mois de janvier.

Le décret électoral du 02 mars 2015 a repris  » *In extenso* » l’esprit de la constitution en vigueur concernant le mandat des sénateurs. Et nous y lisons ce qui suit : _La durée du mandat du sénateur de la République est de six (6) ans conformément à l’article 95 de la Constitution amendée. Art 45.2_. _Le renouvellement du Sénat se fait par tiers (1/3) tous les deux ans. Art. 46._ Donc, en tout état de cause, les sénateurs dont les mandats arrivent à thermes doivent partir sans conditions et cela selon les prescrits légaux. De surcroît, en toute logique, ceux-là ayant bénéficié les privilèges de rester jusqu’en 2020, quoi que leurs mandats se soient terminés en 2018, auraient dû restituer à l’État ce qu’ils ont reçu comme privilèges.

Ce même décret poursuit en son article 50.3 : ‘’À l’occasion des élections sénatoriales impliquant à la fois un renouvellement et une ou deux vacances au sein d’un même département, les électeurs votent pour autant de candidats qu’il y a de postes à pourvoir. Le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix reste en fonction jusqu’au deuxième lundi de janvier de la sixième année de son mandat. Le Sénateur élu avec un nombre de voix immédiatement inférieur comble la vacance produite en cours de mandat pour le temps qui reste à courir. Tout éventuel troisième Sénateur élu, soit celui qui vient en troisième position, termine le mandat qui arrive à terme en premier. Retenons que l’esprit de cet article n’est profitable qu’aux sénateurs ayant été élus dès le premier tour pour le renouvellement et ceux-là dont la présence s’occupait d’une ou deux vacances au niveau de leur département.

Donc,  10 parlementaires doivent rentrer chez eux mains au dos, tristesse à l’esprit le Lundi 13 janvier 2020. Et que les autres, même quand de manière symbolique doivent rester au parlement. Cependant, tous, que ceux qui restent ou qui partent, méritent d’avoir le sentiment d’anéantissement et du regret absolu pour n’avoir rien fait pour la population haïtienne durant leurs mandats. Avec eux tous, la population pataugeait dans la misère. Sans eux, elle peut prendre en main son destin en élisant des femmes et des hommes, n’ont pas pour la couleur de leur peau, le niveau de leur économie, la dimension de leurs slogans de compagnes électorales, mais pour leurs projets de société, leur patriotisme avéré et leur sens d’homme moral digne de ce nom.

Mais, l’inapplication de l’article 190-bis de la Constitution du 29 mars 1987 amendée le 09 mai 2011, n’est-elle pas à la base de tout cela (sur la constitutionnalité des lois)? La caducité du Parlement haïtien, n’est-elle pas effective? Par de-là, continuera-t-on de parler de la souveraineté nationale puisque le Parlement est le co-dépositaire de celle-ci?

En effet, dans le Droit parlementaire ce sont les précédents qui justifient les actes ponctuels. Mais, quant au Parlementarisme haïtien, il est mitigé continuellement de mauvais précédents faisait de lui un droit inefficace dans le monde juridique d’Haïti. Nous assistons toujours par des mauvais précédents à l’effondrement du statut civil de l’organisation de l’État par la caducité de certaines législatures haïtiennes. Ce qui est contraire au libellé de l’article 59.1 de la Constitution amendée.

 Auteur: Delcarme BOLIVARD, Av.MA*

Art. 111.8 de la Constitution du 29 mars 1987 amendée le 09 mai 2011, fait vraiment peur ou est porté à trop d’équivoque. Nous le lisons au passage : ‘’En aucun cas, la Chambre des députés ou le Sénat ne peut être dissous ou ajourné, ni le mandat de leurs membres prorogé.’’