À quelques heures de la fin de l’ultimatum de 72 heures, lancé par le ministre de la justice et de la sécurité publique, Lucmane Délille, insinuant l’ordre aux paisibles citoyens de laisser au plus vite le village de Dieu, les riverains ont bien capté le message et abandonnent sans ambages le fief des bandits armés.

Port au Prince, https://www.lemiroirinfo.ca, Lundi 27 Avril 2020

En effet, nous avons constaté des centaines de riverains fuyant en petits groupes le village, tôt ce lundi 27 avril 2020, par peur de représailles.

Le bicentenaire est assiégé par des blindés de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Les activités dans cette artère principale qui relie la capitale haïtienne avec le reste du pays, sont au point mort. Les immondices et les eaux boueuses et stagnantes forment un tableau hideux.

Devant l’entrée principale du palais de justice, la situation est effrayante et insoutenable. La barrière principale du palais est entrouverte, ce qui laisse entrevoir un espace abandonné, livré à la merci des porcs en élevage libre. Ceci depuis le tremblement de terre de janvier 2010, qui a détruit le bâtiment. 

À l’intérieur du village de Dieu, la situation est tendue et fragile. Dans certains endroits, les hommes armés qui contrôlent ce village laissent partir calmement les riverains et d’autres s’y opposent catégoriquement.

Ceux qui ont la chance de de franchir les postes de contrôle des Caïds de Izo et Manno, ainsi connus,  les deux principaux chefs armés du village, laissent derrière eux, leurs maisons, leurs commerces et aussi leurs proches, sans savoir au préalable où vont-ils se loger dans un contexte dominé par les ravages de covid-19.

Cette jeune dame est parmi ceux-là qui ne peuvent plus vivre dans cet enfer occasionné par des bandits armés depuis plusieurs années. Un sac rempli perché sur la tête, l’air plutôt inquiet, elle y vit depuis plus de 12 ans et n’a pas de destination finale. «Je ne sais quoi faire. Je n’ai même pas un sou en poche. Comment vais-je faire pour vivre avec mes trois enfants qui sont encore piégés au village » se demande-t-elle.  Elle dit espérer un dénouement heureux à cette crise.

La situation n’est pas différente pour ce jeune homme accompagné de sa fiancée. Ils sont plutôt chanceux pour avoir été accueillis par un proche à Nazon. « Mais pour combien de temps ? « , s’interroge le jeune homme qui ne réserve pas ses propos pour critiquer la façon dont les autorités veulent résoudre ce problème. Pour lui, sans une amélioration des conditions socioéconomiques des couches les plus vulnérables, cette crise d’insécurité serait toujours d’actualité. «Il y aura encore et encore d’autres village de Dieu ou d’autres Cité-Soleil à l’avenir» prévient-t-il.

Tous les projecteurs sont fixés ce lundi sur le bicentenaire et le village de Dieu. Pourtant, la situation dans le reste du pays est encore complexe, dans un moment où le nombre de personnes infectées par la Covid-19 ne cesse de s’alourdir. Pire encore, la gourde continue de subir l’assaut violent du billet vert. À noter qu’il nous faut actuellement 103 jusqu’ à 105 gourdes pour un dollars américain.

Des policiers, de leur côté, descendent  dans les rues de la capitale, ce lundi, en vue d’exiger le paiement de plusieurs mois d’arriérés de salaire.

Enfin,Des employés de la protection civile ont jusqu’ à 30 mois de travail, sans percevoir leurs salaires. Il est donc clair que de meilleures conditions de vie pour la grande majorité de la population haïtienne ne sont pas pour demain.

Auteur: Louiny FONTAL