Après la chute de la dictature trentenaire des Duvalier et à compter du 7 février 1986, le peuple haïtien, en différentes occasions, avait fait irruption sur la scène politique. Il voulait, à travers ce geste, signifier son refus systématique des pratiques dictatoriales et faire valoir son choix résolu de la démocratie, non seulement comme régime politique. La constitution de 1987, adoptée dans la foulée, à la suite d’un processus participatif incluant l’ensemble des communautés, a clairement fixé les grandes lignes du régime politique haïtien ainsi que les responsabilités des trois (3) pouvoirs d’Etat. Également, pour mieux asseoir la gouvernance politique et financière, la gouvernance sociale et culturelle, des institutions indépendantes ont été expressément créées. Les grands objectifs de ce nouveau contrat social ont été établis dès le préambule, de ladite charte, lequel est ainsi présenté :

Le peuple haïtien proclame la présente Constitution :

Pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur ; conformément à son Acte d’Indépendance de 1804 et à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Pour constituer une nation haïtienne socialement juste, économiquement libre et politiquement indépendante.

Pour rétablir un État stable et fort, capable de protéger les valeurs, les traditions, la souveraineté, l’indépendance et la vision nationale.

Pour implanter la démocratie qui implique le pluralisme idéologique et l’alternance politique et affirmer les droits inviolables du Peuple Haïtien

Pour assurer la séparation, et la répartition harmonieuse des pouvoirs de l’État au service des intérêts fondamentaux et prioritaires de la Nation.

Pour instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains, la paix sociale, l’équité économique, l’équité de genre, la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, par une décentralisation effective »

Les différentes administrations, qui se sont succédé, depuis l’adoption de cette nouvelle constitution jusqu’à la publication de la version amendée, n’ont pas, en effet, accordé toute l’attention nécessaire à la mise en place de toutes les institutions indépendantes, indispensables à l’implémentation et à la consolidation de la démocratie en Haïti. Le système de gouvernance instauré par la constitution de 1987 est particulièrement handicapé par l’absence du Conseil électoral permanent (CEP). Cette institution est une clé de voute fondamentale au renouvellement périodique du personnel politique et à la stabilité organisationnelle et institutionnelle. En ce sens, la réalisation régulière des compétitions électorales, selon les échéanciers fixés par la constitution, est plus qu’une gageure et en pâtit lourdement de l’absence de cette structure.

Le recours à des accords politiques, entre les tenants du pouvoir et les forces politiques, pour combler ce vide institutionnel par la formation des conseils électoraux provisoires chargés d’organiser des élections plus ou moins acceptables, est presque devenu la norme.

Ainsi, à la fin du mandat de l’ancien Président Michel Joseph Martelly le 7 février 2016, les seules élections organisées par son Administration, n’ont pas pu aboutir à des résultats définitifs. L’imminence d’un vide institutionnel au niveau du Pouvoir exécutif s’est précisée. Les préoccupations de la grande majorité de la population étaient des plus inquiétantes avec la polarisation politique, les violences des rues et bien évidemment avec leurs graves conséquences sur le plan politique, économique, social et culturel et de la vie communautaire.

Face au spectre du chaos et de l’anarchie qui menaçait les fondements même de la République, les représentants des pouvoirs exécutifs et législatifs se sont engagés, dans la recherche d’une solution constitutionnelle et institutionnelle à cette énième crise politique multiforme. Ainsi a été conclu et signé, avec la médiation, entre autres, d’une délégation de l’Organisation des Etats américains (OEA), l’Accord du 5 février 2016.

La transition politique, issue de cet accord, a permis de rétablir la paix dans les rues, redonner l’espoir à la population, restaurer la confiance entre les acteurs politiques et créer les conditions objectives pour la relance du processus électoral entamé au cours de l’année 2015.

Les résultats proclamés ont été favorables à Monsieur Jovenel Moise. Après les formalités de prestation de serment par devant l’Assemblée nationale réunie pour la circonstance, le nouveau Président élu a reçu des mains du Président de ladite assemblée l’écharpe présidentielle consacrant son statut de nouveau Président de la République. Dans le courant de cette même journée du 7 février 2017, le Président a été, par la suite, investi et installé dans ses fonctions au Palais national conformément à la constitution de 1987. 

A sa prise de fonction, le nouveau Président pouvait compter sur l’appui inconditionnel d’une majorité imposante au Parlement, soit plus de quatre-vingt-dix (90) députés sur cent dix-neuf et vingt-cinq (25) sénateurs sur trente (30). Ainsi, sans grande difficulté, il a pu former son gouvernement et faire ratifier la déclaration de politique générale du Premier ministre. Il est important de souligner que le parlement avait également approuvé, sans réserve, un ensemble de décisions politiques prises en conseil des ministres notamment : la nouvelle loi réorganisant le fonctionnement de l’Unité centrale de renseignement financier (UCREF) et la loi de finances de l’exercice 2017-2018. Et ceci en dépit des multiples contestations soulevées dans l’opinion publique haïtienne par ces textes.

L’environnement politique, qu’il avait trouvé lors de son avènement au pouvoir, était, de toute évidence, favorable à une consolidation de la stabilité politique et institutionnelle, indispensable au progrès économique, social et culturel du pays. Mieux que ses prédécesseurs, le Président Moise et son Administration, avaient toute la latitude nécessaire pour mettre en place et consolider les principales institutions indépendantes, prévues par la constitution en vue de renforcer de la démocratie et de l’État de droit en Haïti. Malheureusement, il n’en fit rien.

Le constat, aujourd’hui, est sans appel. L’Administration du Président Moise, marchant sur les brisées de son mentor, a royalement ignoré les échéanciers électoraux[1] devant favoriser le renouvellement des institutions démocratiques. Ainsi, le Pouvoir législatif, au deuxième lundi de janvier 2020 a été rendu dysfonctionnel avec la fin du mandat de la totalité des membres de la Chambre des députés et des deux tiers (2/3) du Sénat de la République. Les dix (10) sénateurs sur les trente (30) prévus et qui constituent l’effectif actuel de ce corps, sont maintenus en fonction sans réels pouvoirs et activités.

La constitution de 1987 consacre le principe de la séparation des pouvoirs auxquels le peuple délègue l’exercice de la souveraineté nationale. Toute interférence d’un pouvoir dans les attributions d’un autre est strictement interdite[2]. Cependant, depuis l’annonce par le Président Moise lui-même du dysfonctionnement du parlement, le deuxième lundi de janvier 2020, son Administration, s’est attribuée le pouvoir de légiférer. Ainsi ont été édictés et publiés, au journal officiel de la République, de multiples décrets ayant force de loi et portant sur des questions d’intérêt général. Poursuivant son offensive de vassalisation des autres pouvoirs d’Etat, le Président Moise, à travers un arrêté présidentiel, a procédé, récemment, à la mise à la retraite de trois juges à la Cour de cassation. Dans la même foulée trois (3) autres juges ont été nommés en dehors des procédures établies. Ces actions dirigées, contre la plus haute instance juridictionnelle du pays, ont été prises en toute illégalité et inconstitutionnalité.

Les principales institutions républicaines sont, aujourd’hui, soit totalement dysfonctionnelles, soit tout simplement inexistantes. Leurs directions sont confiées à des responsables nommés, à titre intérimaire, en dehors de l’approbation sénatoriale[3] préalablement exigée par l’article 141 de la constitution. Les personnalités nommées, dans de telles conditions, se retrouvent en situation d’illégitimité constitutionnelle par rapport aux fonctions qu’ils occupent et aux actions qu’ils entreprennent. C’est particulièrement le cas pour les membres du gouvernement, les commandants en chef des Forces armées et de la Police nationale d’Haïti, les accréditations et affectations aux postes d’ambassadeurs et de consuls généraux. Il en est de même pour les nominations des membres des Conseils d’administration de la Banque de la République d’Haïti et de la Banque nationale de crédit.

C’est dans ce contexte de mise en lambeaux des principales institutions garantes de l’Etat de droit et de la démocratie en Haïti que le Président Moise choisit de changer unilatéralement la Constitution, sur laquelle, il avait juré de respecter et de faire respecter[4]. Certaines interrogations deviennent, tout-à-fait, légitimes, pour tout citoyen attentif et averti. Quelle est donc la valeur de la parole donnée ? Quelle est donc la valeur de la Loi et de la Constitution ?

La constitution de 1987 et charte fondamentale, aujourd’hui, du haut de ses trente-quatre 34 ans d’existence, détient le monopole de longévité, par rapport aux autres constitutions haïtiennes. Le besoin de l’amender et/ou de la réformer, pour mieux institutionnaliser et adapter les principes et les fondements de la démocratie et de l’État de droit qu’elle a proclamés, est tout-à-fait conforme à sa nature d’œuvre humaine. L’histoire récente révèle, cependant, que le changement constitutionnel en Haïti n’a jamais été sans risques. S’il semble se dégager un consensus national autour d’une opportune et impérieuse réforme de la constitution de 1987, le plein respect des procédures tracées, dans nombres de ses articles[5], reste une priorité et une constante exigence. Cependant, aussi justifié que puisse être ce besoin d’amendement ou d’ajustement, il ne saurait être envisagé voire conduit en dehors des procédures institutionnellement prévues et édictées. Toute initiative contraire ferait dérailler tout le processus et hypothéquerait gravement l’avenir du pays. Elle conduirait irrémédiablement vers un retour aux vieux démons et reflexes dictatoriaux lesquels constituent une menace grave à la poursuite du bonheur du peuple haïtien par la voie démocratique.

Les velléités constantes de certains acteurs politiques, obnubilés par la tentation de modifier ou de changer la Constitution, par soif de pouvoir personnel et autoritaire ou aux fins de l’adapter à leurs propres conceptions de la démocratie, ont été systématiques au cours de ces trente dernières années. Cependant, elles ont été tempérées par la mobilisation et par la crainte des réactions de la population, viscéralement attachée au respect des droits et libertés qu’elle leur garantit et aussi par les verrous qu’elle impose quant à son amendement et sa transformation.

Dans ce contexte, j’ai eu au cours de ces quatre (4) dernières années à rencontrer différents acteurs politiques, de la société civile et des diplomates étrangers pour des échanges et discussions autour de cette importante question. Ce qui m’a offert l’opportunité de partager, avec nombre d’entre eux, les leçons puisées dans notre histoire ainsi que celles acquises au cours de mes longues années d’expériences, tant au niveau du Pouvoir exécutif que du Pouvoir législatif. La recherche d’un consensus national sur la meilleure stratégie à adopter pour conduire cette réforme, sans s’écarter de cette quête constante du « bonheur » du peuple haïtien et de la démocratie, était au cœur de ces démarches.

Les Pouvoirs exécutif et législatif jouissent de compétences identiques, en matière de déclaration et de proposition d’amendement de la constitution. Tout projet, en ce sens, doit être présenté, discuté et approuvé en Assemblée nationale. Cette déclaration, qui doit réunir l’adhésion des deux tiers (2/3) de chacune des chambres, selon les termes de l’article 282.1 de la constitution, ne peut être faite au cours de la dernière session ordinaire d’une législature. En effet, Il revenait sous l’Administration du Président Moise, peu importe la source, à la cinquantième législature, issue des élections de 2015 et 2016, de déclarer : « qu’il y a lieu d’amender la constitution ». Ladite législature, à la clôture de sa dernière session ordinaire du lundi 9 septembre 2019, n’a nullement été saisie d’une telle requête. Fort de tout ceci, toute initiative portant sur l’amendement, la réforme, la révision voire le changement de la constitution, en dehors des dites procédures, est tout simplement inconstitutionnelle.

Le décret présidentiel du 29 octobre 2020, publié au Journal officiel de la République et portant création du Comité consultatif indépendant (CCI) pour l’élaboration d’une nouvelle constitution, n’est rien d’autre qu’une flagrante forfaiture. Aucune disposition constitutionnelle et aucun texte de loi ne reconnait au Président Moise les compétences de législateur et encore moins de constituant qu’il s’est octroyées. Les stipulations de l’article 150 de la constitution sont assez claires : « le Président de la République n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue la constitution ». L’obsession de conduire un référendum pour doter le pays d’une nouvelle constitution, témoignent purement et simplement d’un manque de jugement et rigueur dans la gestion de l’Etat et d’un manque de respect de la constitution et des lois de la République.

Ce projet mortifère dans lequel s’est engagé le Président Moise ne s’inscrivait pas dans la liste de ses promesses et engagements électoraux. Il veut l’imposer au pays sans avoir conduit une consultation transparente et inclusive préalable avec les acteurs politiques et les secteurs organisés de la société quant à son opportunité. Bien plus, il n’a tenu aucun compte des principales exigences constitutionnelles, relatives à la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, telles que fixées au septième préambule de la constitution de 1987.

La situation socio politique délétère que vit le pays, avec la persistance de la crise politique, la dégradation des conditions de vie de la population, la prolifération des gangs armés et la généralisation de l’insécurité à l’ensemble territoire national, ne semble pas trop le préoccuper dans son initiative. C’est d’ailleurs, dans ce contexte de vide institutionnel, provoqué, en autres, par le dysfonctionnement du Parlement et la mise au rencart des principales institutions démocratiques, qu’il a décidé, de son propre chef, de constituer un Conseil électoral provisoire (CEP) chargé aussi de l’organisation d’un référendum constitutionnel.

Le choix des membres dudit Conseil électoral provisoire (CEP) et cette mission inédite qui lui assignée, non seulement, ne répond à aucune disposition constitutionnelle, mais encore, n’a fait l’objet d’un quelconque accord négocié et signé avec les forces politiques de l’opposition ou les acteurs de la société civile, lequel serait le gage d’une certaine légitimité.

Les formalités d’usage de prestation de serment, par devant la Cour de cassation, préalables à l’investiture et à l’installation dans leurs fonctions des membres de cet organisme, telles que prévues à l’article 194.2 de la constitution n’ont pas été accomplies. Un tel manquement n’est pas sans conséquences sur la légitimité constitutionnelle des membres de ce conseil et sur la légalité de leurs actes, actions et engagements.

Le peuple haïtien, à travers ses différentes composantes, a clairement exprimé son refus d’accepter cette imposture, menaçant l’équilibre démocratique instauré au pays après tant d’années d’efforts, de luttes et de sacrifices humains contre la dictature. Les réactions et protestations, contre ce projet anti-démocratique et democraticide, viennent de toutes les catégories sociales et épousent différentes formes. Les interventions dans les médias, conférences-débats, articles de journaux et les multiples manifestations de rues, à l’initiative des hommes de loi, des universitaires nationaux et étrangers, des leaders politiques et religieux, de personnalités de la société civile, des membres des missions diplomatiques voire de simples citoyens, sont à inscrire dans le cadre de ce vaste mouvement de contestations.

L’Administration Moise-Jouthe, le comité chargé d’élaborer cette nouvelle constitution et le Conseil électoral provisoire qui s’active à réaliser, contre la volonté de la population, la mascarade du 27 juin 2021, semblent ne pas prendre toute la mesure de la contestation que soulève dans l’opinion publique, cette démarche scélérate et dangereuse. Il est nécessaire, en cette occasion de rappeler le sacrifice de ces milliers de compatriotes exécutés, torturés, persécutés, emprisonnés, exilés, portés disparus et déchus de leur nationalité, dans la lutte pour la noble cause de la démocratie en Haïti. Cette constitution, pour laquelle, ils ont consenti le sacrifice de leur vie ne peut être ainsi foulé sous le joug des ambitions ou des agendas de certains.

Les velléités du Président Moise de changer ou de se défaire de la constitution de 1987, n’a rien à voir avec une exigence d’ajustement par rapport à l’évolution politique connue par le pays au cours des trente (30) dernières années. Ce choix répond à des préoccupations plutôt personnelles et/ou claniques. Cet entêtement n’a rien n’a rien à voir, non plus, avec l’intérêt général ou encore avec le tout premier préambule de la constitution[6].  Ce dernier n’est évoqué que comme prétexte. Les déclarations, portant sur le renforcement de la démocratie, les libertés, les droits du peuple haïtien et la gouvernance, ne sont que stratagème et leurre. Le résultat poursuivi n’est que la modification et l’altération des processus sociaux tendant à l’émergence et à l’institutionnalisation de la participation du peuple dans la gestion du pouvoir politique et dans les prises de décisions intéressant sa communauté.

Bien plus, il ne revient pas à un Président, élu sous l’empire de la constitution qu’il avait jurée de respecter et de faire respecter, de décider de la violer pour la changer. Le Président Moise, par cette démarche, s’est écarté de la voie de la légalité et de la légitimité constitutionnelle. Il s’érige volontairement en violateur impénitent et conscient de la loi-mère. Il risque de se faire et de fait se fait parjure. Cette rupture de l’ordre constitutionnel le rend passible de la Haute Cour de justice pour crime de haute trahison tel qu’établi à l’article 21, ainsi stipulé : « Le crime de haute trahison consiste à porter les armes dans une armée étrangère contre la République, à servir une nation étrangère contre la République, dans le fait par tout fonctionnaire de voler les biens de l’Etat confiés à sa gestion ou toute violation de la Constitution par ceux chargés de la faire respecter ».

La volonté manifeste du Président Moise de changer l’actuelle constitution de 1987 et d’en adopter une nouvelle, en dehors de ses attributions, est une menace pour la démocratie. Elle augure un retour inattendu aux vieux démons de la dictature et de l’autoritarisme. Cette démarche va constituer un précédent dangereux pour la stabilité politique du pays et même de la région. Chaque Président élu se croira investi de pouvoir et habilité, à la fin de son mandat, à adopter une nouvelle constitution, pour renforcer son pouvoir propre ou celui de son groupe politique voire tenter de s’y installer à vie.

Le gouvernement du Premier ministre Joseph Jouthe, par leur endossement aveugle de cette démarche et l’apposition de leur signature aux arrêtés portant nomination des membres de Comité consultatif indépendant (CCI) et ceux désignés juges électoraux, ont sciemment posé des actes contraires à la constitution de 1987 et aux lois du pays. Les tentatives d’explication fournies par les conseillers du Président Moise et les membres du Gouvernement ne tiennent pas. Les stipulations de l’article 128 de la constitution sont formelles « L’interprétation des lois par voie d’autorité, n’appartient qu’au Pouvoir législatif, elle est donnée dans la forme d’une loi ». Ces derniers sont solidairement responsables de ce crime de haute trahison et sont donc passibles de la Haute Cour de justice en participant à la violation[7] caractérisée de la constitution.

Les membres dudit Comité consultatif indépendant et ceux du Conseil électoral Provisoire, nommés en dehors de la Constitution et des lois de la République, se doivent de se rappeler que leurs actions n’engagent qu’eux-mêmes et qu’ils seront, eux aussi, rendus responsables des leurs actes.

En ma qualité de citoyen, d’homme d’Etat, d’acteur politique et de serviteur public, je m’étais gardé, pendant assez longtemps, de toute intervention publique dans les débats, touchant les velléités inconstitutionnelles et unilatérales du Président Moïse de doter le pays d’une nouvelle constitution. L’heure est grave. Face à cette catastrophe politique qui sonne le glas de l’Etat de droit et de la démocratie dans mon pays, notre pays. Je ne peux et ne veux plus garder le silence. Pour cela et fort des considérations ci-dessus exposées, je lance un appel patriotique aux autorités de mon pays, engagées dans ce processus, dépourvu de toute légitimité constitutionnelle. Je les enjoins, à mieux analyser l’enjeu de leurs actions et à prendre les décisions qui s’imposent dans l’intérêt de la patrie bien-aimée, car la « Constitution de 1987 amendée est le seul et dernier symbole d’unité de la nation haïtienne ».

Pour l’histoire et la vérité, les principaux articles[8] de la constitution traitant de ce cas d’espèces sont, ci-dessus, reproduits pour l’édification et la compréhension des uns et des autres.

Caveant consules ne quid detrimenti respublica capitat

——————————

[1] L’article 90.1 L’élection du Député a lieu le dernier dimanche d’octobre de la quatrième année de son mandat. Il est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés dans les assemblées électorales à travers des votes valides, conformément à la loi électorale.

[2] Article 60: Chaque pouvoir est indépendant des deux (2) autres dans ses attributions qu’il exerce séparément.

Article 60.1: Aucun d’eux ne peut, sous aucun motif, déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir des limites qui sont fixées par la constitution et par la loi.

[3] Article 141: Le Président de la République, après approbation du Sénat nomme par arrêté pris en Conseil des Ministres, le Commandant en Chef des Forces Armées, le Commandant en Chef de la Police, les Ambassadeurs et les Consuls généraux.

[4] Article 135.1: Avant d’entrer en fonction, le Président de la République prête devant l’Assemblée  Nationale le serment suivant : Je jure, devant Dieu et devant la Nation, d’observer fidèlement la Constitution et les lois de la République, de respecter et de faire respecter les droits du peuple haïtien, de travailler à la grandeur de la Patrie, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire. »

[5] Article 282: Le Pouvoir Législatif, sur la proposition de l’une des deux (2) Chambres ou du Pouvoir Exécutif, a le droit de déclarer qu’il y a lieu d’amender la Constitution, avec motifs à l’appui.

Article 284.3: Toute Consultation Populaire tendant à modifier la Constitution par voie de Référendum est formellement interdite.

[6] « Le peuple haïtien proclame la présente constitution « pour garantir ses droits inaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et la poursuite du bonheur ; conformément à son Acte d’indépendance de 1804 et à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 ».

[7] Article 159: Le Premier Ministre fait exécuter les lois. En cas d’absence, d’empêchement temporaire du Président de la République ou sur sa demande, le Premier Ministre préside le Conseil des Ministres. Il a le pouvoir règlementaire, mais il ne peut jamais suspendre, ni interpréter les lois, actes et décrets, ni se dispenser de les exécuter.

Article 163: Le Premier Ministre et les Ministres sont responsables solidairement tant des actes du Président de la République qu’ils contresignent que de ceux de leurs ministères. Ils sont également responsables de l’exécution des lois, chacun en ce qui le concerne.

Article 169: Les Ministres sont responsables des actes du Premier Ministre qu’ils contresignent. Ils sont solidairement responsables de l’exécution des lois.

Article 169.1: En aucun cas, l’ordre écrit ou verbal du Président de la République ou du Premier Ministre ne peut soustraire les Ministres à la responsabilité attachée à leurs fonctions.

[8] Article 21.1: Le crime de haute trahison est puni de la peine des travaux forcés à perpétuité sans commutation de peine.

Article 185: Le Sénat peut s’ériger en Haute Cour de Justice. Les travaux de cette Cour sont dirigés par le Président du Sénat assisté du Président et du Vice-Président de la Cour de cassation comme Vice-Président et Secrétaire, respectivement, sauf si des juges de la Cour de Cassation ou des Officiers du Ministère Public près cette Cour sont impliqués dans l’accusation, auquel cas, le Président du Sénat se fera assister de deux (2) Sénateurs dont l’un sera désigné par l’inculpé et les Sénateurs susvisés n’ont voix délibérative.

Article 186: La Chambre des Députés, à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres prononce la mise en accusation: a) du Président de la République pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l’exercice de ses fonctions; b) du Premier Ministre, des Ministres et des Secrétaires d’Etat pour crimes de haute trahison et de malversations, ou d’excès de Pouvoir ou tous autres crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions; c) des membres du Conseil Electoral Permanent et ceux de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif pour fautes graves commises dans l’exercice de leurs fonctions; d) des juges et officiers du Ministère Public près de la Cour de Cassation pour forfaiture; e) du Protecteur du citoyen.

————————-

Jocelerme Privert

57e Président de la République

Ancien Sénateur de la République

Ancien ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales

Ancien Secrétaire d’Etat aux finances

Ancien Directeur général, de la Direction général des impôts (DGI)