Québec refuse de prendre part au programme fédéral de régularisation de 90 000 travailleurs essentiels ou temporaires, étudiants étrangers, qui débute ce 6 mai, invoquant ses prérogatives de choisir lui-même ses immigrants dans le cadre de l’Entente Canada-Québec en matière d’immigration, ce qui laissait en plan ceux qui vivent déjà dans la province.
Toutefois, le ministère canadien de l’Immigration vient d’autoriser ces derniers à appliquer au programme, malgré tout, sous promesse de quitter la province du Québec pour aller vivre ailleurs au Canada.
« Suite à notre conversation, je peux confirmer que les personnes avec de l’expérience québécoise (au travail ou à l’école) sont éligibles pour ce programme, s’ils ont l’intention de résider dans un territoire ou une province autre que le Québec.», nous écrit Alexander Cohen, l’attaché de presse du ministre canadien de l’Immigration, Marco Mendicino.
Il s’agira là d’un contournement du Certificat de sélection du Québec (CSQ), nécessaire au fonctionnement de toute personne immigrante qui habite la province. Or, en boudant ce programme, les participants se verront regimber la fameuse résidence québécoise
L’idée de contourner le CSQ est venue de Stephan RichHold de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)
«Les gens n’auront qu’à appliquer sous promesse de quitter le Québec pour une autre province canadienne, lors de l’obtention de la résidence.», conseillait-il en entrevue à In Texto au lendemain de l’annonce d’Ottawa.
Un point de vue partagé par François Jean-Denis, consultant en immigration depuis 17 ans au Canada et qui dirige la firme Vision max services. Ce subterfuge aurait pour effet de creuser encore plus le fossé de la pénurie de main-d’œuvre au Québec au profit d’autres provinces au pays.
Cette décision profiterait aussi largement aux personnes dans la précarité migratoire dans la province et qui travaillent, souvent au salaire minimum, en payant des taxes et des impôts comme tout le monde.
- Selon Statistique Canada (janvier 2021), les immigrants qui détenaient auparavant un permis de travail signalent souvent des salaires plus élevés un an après l’obtention de la résidence permanente.
Au total, ce sont 20 000 demandes du secteur des soins de santé, 30 000 des professions essentielles sélectionnées et 40 000 étudiants étrangers diplômés que le Canada compte régulariser.
Le programme, dont les critères d’admissibilité sont ICI, s’applique aux travailleurs de 40 professions de la santé, ainsi qu’à 95 autres emplois essentiels dans un large éventail de domaines, comme les soins aux personnes et la production et la distribution de nourriture.
« Le message que nous leur adressons est simple : votre statut est peut être temporaire, mais vos contributions sont durables – et nous voulons que vous restiez.», a déclaré le ministre, dans un communiqué, qui s’adresse plutôt au reste du Canada.
Pour être admissibles, les travailleurs doivent avoir au moins un an d’expérience de travail au Canada dans une profession de la santé ou une autre profession essentielle désignée. Les étudiants étrangers diplômés doivent avoir terminé un programme postsecondaire canadien admissible au cours des 4 dernières années, et au plus tôt en janvier 2017.
Québec pourrait creuser encore plus son seuil
Le programme fédéral de résidence permanente arrive à un moment où le seuil d’immigrants admis au Québec est au plus bas depuis la pandémie. En 2020, la province a accueilli seulement 25 000 des 44 000 personnes prévues dans son dernier plan triennal.
On parle d’un manque à gagner de 17 000, selon la ministre québécoise de l’Immigration qui exprime son intention de rehausser le seuil. Mais ne demandez pas à Nadine Girault de préciser le nombre.
Nadine Girault, ministre de l’immigration et François Legault, premier ministre du Québec
« On va consulter et au fur et à mesure on va fixer le seuil. Je ne peux pas avancer de chiffres pour l’instant.», disait-elle en conférence de presse jeudi dernier.
L’Institut de la statistique du Québec évoque des chiffres de rattrapage plus alarmants que ce qu’avance la ministre.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain, de son côté, revendique au moins l’accueil de 64 000 personnes par année. Michel Leblanc, le président de la Cambre évoque un besoin actuel de 150 000 bras pour travailler dans les entreprises. En temps normal on parle bon an mal de 80 000 postes vacants dans l’économie québécoise.
« Ici , les élus vont se faire talonner sur cette question par les employeurs cette année.», promet M.Leblanc.
Interrogée à savoir si le rehaussement prévu tiendra compte des travailleurs essentiels, étudiants étrangers qui sont déjà sur place au Québec, la ministre de l’Immigration n’a pas été claire dans sa réponse.
« On regarde toutes les catégories d’immigration, on fait des scenario qui comprendront plusieurs options. On prendra une décision en fonction de ce qu’on a comme commentaires.»-Nadine Girault.
Pour en savoir plus sur le programme fédéral cliquez ICI.
Avec in texto: Jean Numa Goudou