Le lundi 13 Janvier 2020, le président Jovenel Moise a renvoyé 19 sénateurs du grand du parlement Haïtien. Certains sénateurs dont Ronald Lareche du Nord’Est, Jean Renel Senatus de l’Ouest, Dieudonne Luma du Nord, Jean Marie Junior Salomon du Sud, Nenel Cassy des Nippes et Youri Latortue de l’Artibonite contestent et attaquent cette décision du chef de l’État en justice qu’ils jugent arbitraire et abusif. Une analyse de Me Bolivar LOUIS, un expert en questions électorales nous permettra de mieux comprendre à quel tribunal que les parlementaires concernés devraient adresser leur requête.
Port au Prince, https://www.lemiroirinfo.ca, Samedi 18 Janvier 2020
Le débat relatif au mandat d’un groupe de Sénateurs déferle la chronique. Les profanes ainsi que les juristes s’improvisent en expert électoral. Le Président de la République dit constater la caducité du parlement dans un tweet. Des Sénateurs de la république protestent et contre attaquent. Le CEP est saisi, et plus d’uns se contestent de la légalité de la démarche ainsi que du mandat de l’actuel conseil électoral.
Face à cette confusion et des inconnus connus, je me propose d’analyser la situation afin de dissiper cette confusion et d’éclairer la lanterne des acteurs.
Comprendre le CEP et le BCEN
Le CEP étant un organisme de gestion électorale a un rôle purement administratif dans l’organisation des élections. En ce qui concerne le Bureau du Contentieux Électoral National (BCEN), il est indépendant du CEP. Car, il s’agit d’un organe contentieux qui a le même niveau de pouvoir que la Cour de cassation. Ce tribunal peut juger les représentants du CEP s’il est prouvé qu’une violation de la loi électorale est commise.
Il est prouvé que le Conseil Électoral est minoritaire dans la composition du BCEN selon article 18 du décret électoral de 2015.
Toutefois, le CEP joue un privilège, car il est le seul organe à pouvoir convoquer les instances devant siéger à ce tribunal suprême.
Le BCEN peut annuler les résultats publiés par le CEP. Il est de son pouvoir que ce tribunal puisse invalider le pouvoir d’un élu même après le cycle électoral, ce que le CEP n’est pas habilité à faire selon l’article 239 dudit décret :«Au cas où il s’avérerait qu’un candidat ou candidate, parti, ou partisan d’un candidat ou candidate avaient utilisé la fraude pour se faire élire, le BCEN, sur simple requête du CEP, invalidera le pouvoir de l’élu, et ce, sans préjudice des poursuites pénales à engager par le parquet compétent contre les fautifs».
Que peut faire le CEP?
Le CEP étant organe de gestion n’a ni la qualité et la compétence pour se prononcer sur les mandats des élus et cela pour les raisons suivantes :
Lors de la proclamation des résultats, plusieurs candidats avaient saisi les organes contentieux et des décisions ont été rendues par les tribunaux électoraux et ceci jusqu’au BCEN.
Une fois que le Bureau du Contentieux Électoral National a rendu sa décision, elle s’impose à tout le monde sans la possibilité de recours.
Il est important de souligner que les premiers résultats de la présidentielle ont été publiés en 2015 et face à des cas de dénonciation, le CEP a été contraint de convoquer le BCEN pour statuer sur ce cas d’espèce. Cela prouve encore le caractère de ce tribunal spécial.
Lors de la publication des résultats définitifs pour les sénatoriales, le CEP avait motivé sa décision sur la base des articles 50.3, 187.1 et 188. Cela sous-entend que l’organisme de gestion électorale avait agi dans la limite de ses prérogatives.
Le CEP peut faire deux choses :
- Faire publier sur son site ou dans les journaux les décisions du BCEN rendues en 2015;
- Sur requête d’un intéressé, convoquer le BCEN (il faut que ce soit pour une dénonciation pour fraudes)
Là encore, le problème resterait entier, car les acteurs refusent de respecter les décisions du tribunal suprême.
La démarche de certains sénateurs au CEP est nulle, car l’organisme de gestion électoral ne peut pas passer outre d’une décision prise par le BCEN.
Que devrait faire l’exécutif pour invalider le pouvoir des sénateurs en question?
Les intéressés devraient faire deux choses :
- Recueillir des preuves que ces sénateurs avaient fraudé pendant les élections pour se faire élire.
- Porter plainte au CEP dans l’optique de convoquer le BCEN.
Le pire des scénarios!
Un citoyen lambda, s’il parvenait à recueillir des preuves que les élus en fonction (président et sénateurs) avaient frauduleusement gagné les élections peut saisir le BCEN pour invalider leur pouvoir.
Tandis que le pays sera trouvé dans l’incapacité technique d’organiser des élections dans les 2 prochaines années et considérant le fait que des élections devraient être organisées en 2019 pour le renouvellement du tiers du sénat et la chambre des députés. J’aimerais demander à ceux qui soutiennent la thèse de départ de 19 sénateurs qu’elle sera la durée du mandat des élus si les élections seraient organisées en 2023?
Aurait-on des députés et sénateurs pour un mandat moins d’un an prétextant qu’il y a un vide à combler?
L’impossibilité technique s’explique par l’incapacité du CEP de constituer un registre fiable avec deux cartes d’identité différentes. Oui deux cartes différentes ! les acteurs se taisent …. L’essentiel est oublié.
Je comprends la démarche du Président de la République qui, du haut de sa tribune, dénonce la constitution en vigueur et fait la promotion d’une nouvelle constitution.
Je conseille deux choses aux acteurs :
- Respecter la loi
- Trouver un consensus minimal pour sauver le pays, car la plus grande crise se profile à l’horizon.
J’ose espérer que la technique trouvera sa place dans les débats. Il est temps que ceux et celles qui se proclament majorité silencieuse sortent de leur silence pour remettre les pendules à l’heure.
Auteur : Bolivar LOUIS, expert en questions électorales et en sécurité informatique