Lettre ouverte

Port-au-Prince, https://www.lemiroirinfo.ca, Mardi 29 Septembre 2020

Depuis quelques semaines, des rumeurs persistantes font état de graves dérogations de ma part à la ligne de combat du « Secteur Démocratique ».

Entre publications aussi cyniques que maladroites sur les médias alternatifs et commentaires tous azimuts dans les médias traditionnels, je suis l’objet d’une campagne systématique d’assassinat de caractère qui s’apparente malheureusement à une guerre intestine de mauvais aloi.                                 .

Fidèle à mon statut d’homme d’État, je me suis réfugié dans un silence pesant pour essayer de laver les linges sales en famille. Et, mes pairs ayant admis en privé qu’ils s’étaient trompés en orchestrant de telles attaques subtiles, je me suis réjoui à l’idée qu’ils allaient enfin apporter les clarifications nécessaires à l’édification de l’opinion publique, question de remettre les pendules à l’heure tant de l’unité du Secteur Démocratique que d’un plan bien ficelé pour le sauvetage de la barque nationale.                                           

Devant le refus quasi-catégorique de mes camarades de combat d’élucider la question dans un ultime élan de transcendance, j’assume, par la présente, la double responsabilité morale de rendre justice à la vérité et de tirer la révérence pour ne pas sacrifier mon engagement altruiste à l’autel des intérêts peu catholiques.                     

Pour la vérité et pour l’histoire, j’ai été mandaté par le « Secteur Démocratique » pour rencontrer Monsieur Liné Balthazar qui a requis de nous une passerelle de discussion interinstitutionnelle sur des dossiers éminemment politiques. Au rang de celles et ceux qui m’ont habilité à rencontrer le dirigeant du parti PHTK je peux citer le Sénateur Nenel Cassy, Madame Marjorie Michel, Maitre André Michel, entre autres. Il s’ensuit donc qu’à ce sujet il ne saurait avoir lieu de parler de dérogation de ma part aux principes du secteur qui m’a lui-même donné mandat.

De surcroit, en ce qui concerne une rencontre discrète à laquelle j’aurais pris part au motif de concocter un accord politique avec le pouvoir en place, mes pairs ont admis en privé qu’ils ont fini par confirmer que ceci ne relève que de la pure fiction. Pour être précis, les dirigeants du Secteur Démocratique ont affirmé qu’à cette rencontre qui a effectivement eu lieu, j’ai brillé par mon absence et que, par conséquent, y associer mon nom ne relève que d’une déplorable machination politique.                                        

Il faut comprendre que j’ai fraternellement requis de mes collègues une conférence de presse pour rétablir les faits, restaurer la confiance des sympathisants, dissiper le doute qui s’est disséminé à la faveur d’une précédente communication publique qui n’a rendu de service à personne sinon qu’aux fossoyeurs de la République que nous nous sommes promis de combattre démocratiquement avec la dernière rigueur. Cependant, contre toute attente, ma requête n’a eu droit qu’à l’indifférence la plus froide alors que mon honneur subit de plein fouet des entorses indignes de l’homme de principe que je suis.           

Étant convaincu que rien de grand ne peut se construire sur le sable mouvant du mensonge et de la déloyauté, je tire la révérence du Secteur Démocratique et Populaire tout en demeurant attaché aux revendications légitimes du peuple Haïtien qui ne jure que par la transparence et la reddition des comptes, gages absolus de la bonne gouvernance.   

                                               
Il est venu le temps de faire la politique autrement. La calomnie et les intrigues stériles ne doivent pas se substituer à l’élaboration d’un plan stratégique pour le développement effectif d’Haïti. Nous n’avons pas intérêt à faire économie d’une claire définition des contours des politiques publiques viables pour revigorer l’éducation, la santé, l’économie etc… Aucune critique ad hominem n’aura la vertu de remplacer un plan de développement. L’élite politique doit se résoudre à comprendre ce b a ba.

Aujourd’hui, je viens de payer le prix de ma lutte interne et désintéressée pour une opposition moderne qui puisse respecter la transparence dans sa gouvernance interne tout en anticipant la gestion du pouvoir réel sur la base de plans sectoriels bien définis. J’assume le prix avec fierté et magnanimité. La postérité fixera définitivement les responsabilités respectives avec les mentions y relatives.                           .

Je ne cracherai jamais sur les cadavres des massacrés de Lassaline et du Bel Air pour aller négocier des miettes du pouvoir absolutiste actuel. Je n’entends assumer aucune fonction dans le cadre de la Transition à venir non plus. Que ceci soit clair pour tout le monde ! Cependant, je ne cesserai jamais de défendre la transparence même à l’intérieur de l’opposition. Si je viens de payer le prix de cette lutte, c’est parce-que je suis effectivement habité par les valeurs républicaines dont je parle publiquement. Tout en réitérant mon refus entier d’assumer une fonction dans la Transition, je demeure convaincu de la nécessité d’accompagner le processus pour que les questions essentielles liées à la reddition des comptes (PetroCaribe), à la lumière judiciaire sur les crimes de sang (Lassaline, Belair etc.) et à la triple intégration (sociale, économique et politique) de la jeunesse ne soient pas noyées dans la boue des intérêts mesquins des uns et des autres.                                  .

L’heure est grave.Le constat de la débâcle nationale appelle au dépassement de soi en vue de la recherche consensuelle de solutions durables aux maux tant structurels que conjoncturels du pays. Aucun groupe, aucun secteur ne saurait avoir la vertu de relever le défi haïtien en vase clos. Il est temps de sacrifier la tentation naïve de la simple substitution de gouvernants à l’autel d’une démarche scientifique de prise en compte du mal-être haïtien par une opposition effectivement capable de conjurer les vieux démons quand elle sera nantie des leviers du pouvoir.

« Seule la vérité est révolutionnaire ! » Vive Haïti !

Docteur Kely C. BASTIEN
29 septembre 2020