Les autorités municipales de la ville du Cap-Haïtien ayant en leur tête le maire adjoint de la commune, Esaïe Lefranc, ont entamé des travaux de démolition du quartier populaire de Shada2, bastion du gang armé (AJIVIT) où les membres de ce groupe armé, ont tué le policier, Larousse Joseph, le 10 juin dernier. Si certains groupes de la société crient «Victoire» puis d’autres se lamentent, cet ancien fonctionnaire des Nations-Unies pense que les droits des citoyens qui ont vu partir en poussière leurs maisonnettes et les locaux de leur entreprise dans cette zone ont été violés.

Cap-Haitien, https://www.lemiroirinfo.ca, Jeudi 18 Juin 2020

Il est toujours gênant, honteux, incroyable, inexplicable et surtout inacceptable de constater que la grande majorité des autorités haïtiennes déploient plus d’énergie, de dévouement et de dextérité pour violer et piétiner les droits du peuple haïtien en général et ceux des couches les plus faibles et plus vulnérables en particulier.

Ces autorités s’obstinent à violer tous les droits du peuple haïtien à longueur de journée. Pour faire court et rester plus près de la conjoncture, nous allons nous attarder sur les récentes violations du droit au travail, à la sécurité et au logement perpétrées ces derniers jours au Cap-Haïtien.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, faisons un peu de pédagogie. Il va de soi que le banditisme est souvent l’affaire des marginaux, des laissés pour compte, et/ou des gens dédiés ou téléguidés. Tandis qu’il y a violation des droits de l’homme à chaque fois que les autorités appelées à protéger et défendre les droits des citoyens prennent plaisir à les piétiner elles-mêmes soit par action ou soit par inaction.

Près de deux mois après la reprise de la place Toussaint L’ouverture, communément appelée « marchés rue 3», par les autorités municipales de la ville du Cap-Haïtien, les autorités capoises ne sont pas en mesure et semblent ne pas trop s’activer pour offrir une autre alternative à des centaines de citoyens qui n’avaient, depuis plus de deux décennies, comme lieu de travail que cette espace qui a représenté le poumon économique de la région du Nord. Donc, au lieu de préserver et de promouvoir le droit au travail de ces nombreux concitoyens, les autorités ont de préférence détruire avec insouciance le travail de ces gens, les jetant tous au chômage. Ce qui constitue une violation flagrante du droit au travail

L’année dernière, en guise de manœuvre politique, des autorités indélicates ont fourni des armes et autres avantages, dit-on à des jeunes marginaux du quartier de Shada2 avec pour mission de contrecarrer et de décourager les manifestations antigouvernementales qui se faisaient à répétition dans la ville du Cap. En agissant de la sorte, loin de préserver et de garantir la sécurité des riverains de la zone de Shada et ses environs, ces autorités ont incité un petit groupe d’une dizaine de jeunes naïfs et mal intentionnés à se croire pourvoir faire et défaire sur les riverains de Shada1, Shada2 et de Nan-bannann… L’on se rappelle de la fusillade qui a eu lieu au rond-point de Samarie, situé en face du quartier Nan-bannan le 27 septembre 2019 par des membres du gang « ajivit » sur les manifestants qui se préparaient à fouler le macadam.

En représailles des bandits de nan-bannan ont incendié des dizaines de maison à Shada2. Depuis lors, la liste de crimes et d’exactions perpétrés réciproquement par des bandits de Shada2, Shada1 et de nan-bannan ne cessent de s’allonger. Et cela en toute impunité. Ainsi, les autorités policières et judiciaires de la ville du Cap ont failli à leur mission. Plus d’un pensent qu’elles ont voulu plaire à l’autorité qui aurait attisé ces conflits dans la zone de Shada et de Nan-bannan. Effectivement, la police et la justice n’ont jamais recherché les auteurs et les coauteurs de ces crimes de sang et d’incendie. 

Quelle violation par omission ou inaction du droit à la sécurité des gens de ces quartiers défavorisés qui subissaient les méfaits de cette petite dizaine de personnes armées à des fins politiques par les autorités placées pour préserver et veiller à la sécurité de la population.

Suite à une certaine maladresse dit-on d’une autorité qui a attribué des petits jobs à certains habitants de Nan-bannan au lieu de les attribuer aux habitants de Shada2, les membres du gang « aji vit » se sont brouillés avec cette autorité.

Elle n’a pas su calmer la situation, elle a de préférence instrumentalisé quelques policiers pour réprimer et humilier les membres du gang « ajivit ». Après avoir assisté aux humiliations de plusieurs de leurs camarades, comme par exemple le nommé Gros ainsi connu qui a été pris chez lui par un policier qui l’a présenté devant des membres du gang Nan-bannan pour leur demander leur avis avant de le jeter et le tuer de plusieurs balles. Face à cette réalité, certains des membres restants du gang « ai vit » se seraient radicalisés au point de vouloir se défendre avec leurs armes et ne pas se laisser prendre par la police pour subir le même sort que leur confrère, Gros qui a été appréhendé, maîtrisé, présenté, humilié et tué par un policier en uniforme.

 Ce manque de professionnalisme provoquant cette radicalisation qui a soldé par la mort tragique de l’agent de police Larousse Joseph est évitable et regrettable. Par rapport à cet incident, les autorités compétentes au lieu de chercher comment désarmer et démanteler cette dizaine de jeunes qui sont bien connus par certaines autorités pour avoir les rencontrés plus d’une fois, ont fait démolir le quartier de Shada2 sans aucune forme de procès. Elles ont ainsi jeté dans la rue des citoyens faisant partie des couches défavorisées.

Ces autorités ont une fois de plus piétiné le droit au logement des centaines de capois et de citoyens Haïtiens, au lieu de chercher à urbaniser, à améliorer le logement et les conditions de vie de ses mandants.

Pour terminer, nous nous faisons le devoir de poser les questions suivantes:

  • N’est-il pas du devoir de tout dirigeant ou autorités qui se respectent de planifier d’expliquer et d’exposer au grand jour devant la presse et l’opinion publique tous les projets d’envergure qu’il compte entreprendre pour l’avancement de la communauté?
  • Le rôle d’une autorité n’est-il pas d’accompagner les citoyens dans leur quête du bonheur, de la justice et du bien-être?
  • Jusqu’à quand la mairie va préparer et offrir un autre lieu aux nombreux pères et mères de famille qui vendaient à la rue 3.
  • Les autorités n’ont-elles pas le devoir d’offrir une alternative claire aux malheureux de Shada2 qui ont perdu leurs maisonnettes.

Auteur : Joël César, avocat du barreau du Cap-Haïtien et ancien officier des droits de l’homme et judiciaire des Nations-Unies.