Bolivar LOUIS, Spécialiste en sécurité informatique et en questions électorales

L’interprétation de l’article 50.3 de la loi électorale 2015 sur la durée des mandats des sénateurs haïtiens fait jaser les hommes de l’art et les profanes du Droit. L’expert en questions électorales et le spécialiste en sécurité informatique, Me Bolivar LOUIS, nous livre son analyse autour du mandat des sénateurs haïtiens.

Montréal, https://www.lemiroirinfo.ca, Vendredi 03 Janvier 2020

Mon analyse se veut être neutre et très technique pour avoir été un témoin privilégié de plusieurs élections en Haïti. Je ne vais pas rentrer dans les considérations politiques, mais je vais produire des remarques et de considérations techniques :

Comprendre le monde électoral

– Scrutins, suffrages, système électoral ?

Le mot scrutin désigne l’ensemble des opérations de vote et des modes de calcul destinés à départager les candidats aux élections.

Le terme suffrage désigne l’acte de vote par lequel on déclare son choix politique, mais également le système précisant qui a le droit de voter.

 Le suffrage peut être :

• restreint, s’il est limité à une catégorie de population en fonction de ses revenus, ou de son niveau de connaissance;

• universel, si tous les citoyens majeurs votent ;

• direct, si l’électeur vote lui-même pour un candidat ;

• indirect, si le candidat est élu par un collège électoral, lui-même désigné directement par les citoyens.

Système Électoral

Le système électoral est la traduction des suffrages exprimés, lors d’une élection générale/partielle, en sièges remportes par les différents partis ou candidats.

L’élément clef en est le mode de scrutin (Système Majoritaire ou Proportionnel et la formule mathématique utilisée pour calculer la répartition des sièges) ainsi que la magnitude des circonscriptions (nombre de députés, non les électeurs.

Un Système électoral bien conçu est tourné sur deux axes majeurs :

1- La tenue régulière des élections

2- Sanctionner les élus

Le type de scrutin utilisé dans les élections législatives :

En Haïti, on utilise le Système Majoritaire Uninominal à Deux Tours (SMU DT). Cependant, dans certaines circonstances, on utilise le Système Majoritaire Plurinominal à deux tours (SMP DT).

Les élections sénatoriales de 2015 étaient du SMP DT.

Considérations :

Les élections sénatoriales de 2015 exigeaient l’élection de 3 Sénateurs et selon l’article 50.6 – b, le candidat au sénat élu au premier tour est automatiquement le premier Sénateur.

Que Dit le décret électoral de 2015?

Article 50.3.- À l’occasion des élections sénatoriales impliquant à la fois un renouvellement et une ou deux vacances au sein d’un même département, les électeurs votent pour autant de candidats qu’il y a de postes à pourvoir. Le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix reste en fonction jusqu’au deuxième lundi de janvier de la sixième année de son mandat. Le Sénateur élu avec un nombre de voix immédiatement inférieur comble la vacance produite en cours de mandat pour le temps qui reste à courir. Tout éventuel troisième Sénateur élu, soit celui qui vient en troisième position, termine le mandat qui arrive à terme en premier.

Considérations :

L’article fait une considération particulière dans la deuxième phrase relative au premier Sénateur. Il ne s’agit pas de compléter un mandat pour le premier, mais un mandat au complet. Cependant, pour les poursuivants il s’agit de compléter un mandat.

Les dernières sénatoriales

Les dernières élections sénatoriales ont eu lieu en 2015 et les résultats ont été publiés en Aout 2015.

Prenons les cas de l’Artibonite et de l’Ouest

19 Aout 2015 les Candidats Youri Latortue et Jean Renel Sénatus sont élus respectivement premiers Sénateurs de l’Artibonite et de l’Ouest.

Considérations :

À quand la fin de leur mandat et des autres premiers Sénateurs?

– D’abord la date de prestation de serment des Sénateurs précédemment mentionnés : 11 janvier 2016.

– La sixième année de leur mandat est de toute logique l’année de 2021, c’est-à-dire, on devait procéder à l’organisation des élections en novembre 2021 pour les remplacer le deuxième lundi de janvier 2022.

– Ah non! On devrait harmoniser le temps constitutionnel. Ouf! Je ne le voyais pas.

Mais que dit encore le décret électoral de 2015?

Waw, la réponse est là, Article 239.

Afin d’harmoniser le temps constitutionnel et le temps électoral, à l’occasion d’élections organisées en dehors du temps constitutionnel, pour quelque raison que ce soit, les mandats des élus arrivent à terme de la manière suivante :

Le mandat du Président de la République prend fin obligatoirement le sept (7) février de la cinquième année de son mandat quelle que soit la date de son entrée en fonction; b) Le mandat des Sénateurs prend fin le deuxième lundi de janvier de la sixième année de leur mandat quelle que soit la date de leur entrée en fonction, sous réserves de l’application des articles 50.3 à 50.7 du présent Décret ;

–  N’est-ce pas vrai que l’article 50.3 est déjà mentionné plus haut? Allons voir ce que dit l’article 50.7

« S’il y a égalité de voix entre deux (2) compétiteurs au deuxième tour, l’élu et la durée du mandat sont déterminés en fonction du plus grand nombre de suffrage en additionnant les résultats des deux (2) tours.

Ah non! Cet article n’influence pas les débats.

Remarques

Il y a deux nécessités :

1- Respecter les échéances constitutionnelles

2- Respecter les prescrits légaux

Si la première nécessité était respectée et fonction des désordres antérieures, on rentrerait dans un cycle électoral intenable par le budget de la République.

En 2019 devrait avoir lieu les élections pour le premier tiers, en 2020 le deuxième et en 2021 le troisième (2 4 6).

Conclusion

Je voulais demander à ceux qui soutiennent l’idée de renvoyer les deux tiers en janvier de 2020 de prouver leur logique. Le débat technique est ouvert, je ne vais pas rentrer dans les considérations politiques.

Auteur: Bolivar LOUIS