Port-Au-Prince, htps://www.lemiroirinfo.ca, Vendredi 02 Octobre 2020

Confrères et consœurs,

C’est avec ahurissement que j’ai pris lecture de votre note de protestation publiée sur les réseaux sociaux dans laquelle vous me demandez de présenter des excuses publiques à la magistrature haïtienne pour avoir traité d’incompétents ses membres, notamment les juges de la Cour de cassation, notre Cour suprême.

Sans vous en rendre peut-être compte, vos propos ressemblent à une tentative d’intimidation afin qu’un débat libre sur les enjeux du moment n’ait pas lieu alors que nous tous en avons grandement besoin. Quoique inamicale, votre réaction me permet toutefois de reposer la question de l’indépendance du pouvoir judiciaire que plus d’un essaie de réduire à néant, soit par incompréhension, par manque de culture démocratique ou par « esprit de cueillette ».

Votre note élaborée avec une pointe de militantisme au nom d’une certaine liberté syndicale dont vous faites la promotion au sein du Pouvoir judiciaire, malheureusement n’aide pas à avancer la cause. Elle s’en prend à un allié dans cette bataille pour un État de droit, laquelle demande une convergence de toutes les énergies.

Loin d’être polémique, ma mise au point vise plutôt à rechercher l’harmonie entre les différents acteurs de la scène judiciaire.

D’abord, je rectifie tout de suite : je n’ai à aucun moment traité mes confrères magistrats d’incompétents. Loin de là ! Comment parler de compétence de notre système judiciaire en l’absence de performance, d’efficacité et de résultats dans la distribution d’une justice saine et équitable ? Pendant longtemps, les élites haïtiennes occidentalisées considèrent que le diplôme – ou encore le bon parler français – est un moyen de distinction ou d’ascension sociale. Une aberration. Le mot « incompétence » est peut-être mentionné à dessein. Au cours d’échanges universitaires civilisés avec les Honorables juges Me Wando St Villier, Me Wilner Morin, Me Kébreau Zamor et Me Guy Hypolite, ils ont tous souligné avec raison qu’il y a une génération de magistrats bien formés qui ont fait de bonnes études en Haïti, en France et au Canada et que dans notre système judiciaire, il existe de brillants magistrats à même de servir dans n’importe quel pays avancé ou industrialisé. Nous sommes unanimes à le reconnaître. Mais les citoyens exigent des résultats. Le diplôme est souvent l’ennemi de la culture. Pour répéter Paul Valéry, une culture de résultats nous manque. Cruellement.

Deux questions juridiques à résoudre : 1) Qu’est-ce qu’une justice dans une république ; 2) comment est-elle chez nous, en Haïti ?

Dans son sens moderne, la République invoque le suffrage universel, la démocratie, l’égalité des droits et les droits fondamentaux. C’est dans ce sens qu’on parle des principes républicains, des valeurs républicaines et des institutions républicaines. Dans une démocratie, les institutions républicaines doivent avoir une proximité avec le suffrage universel. Donc, elles doivent être légitimes et démocratiques.

La justice dans une république moderne

Dans notre hiérarchie démocratique, aucun pouvoir n’est placé à un palier plus élevé que l’autre, comme ce fut le cas avant le vote de la Constitution de 1987. Avant 1986, le Pouvoir législatif était beaucoup plus légitime et démocratique que le Judiciaire parce que le premier était issu de la volonté populaire. La Constitution de 1987 qui est une Constitution moderne et démocratique élimine le palier hiérarchique entre les trois pouvoirs et a hissé le Judiciaire au rang de pouvoir légitime à l’intérieur de notre système démocratique. Ainsi, l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire sont des pouvoirs légitimes, trois formes de pouvoir sans hiérarchie.

L’article 173 stipule que le pouvoir judiciaire est exercé par les juges de la Cour de cassation, les juges des Cours d’appel, les juges des tribunaux de première instance, les juges des tribunaux de paix et les juges des tribunaux spéciaux. La Constitution indique la procédure de désignation aux différents échelons du pouvoir judiciaire. Donc, l’ordre judiciaire haïtien est constitutionnalisé. Il n’est plus une autorité, comme c’est le cas en France mais un pouvoir légitime et démocratique. Toute la différence est là. C’est la raison pour laquelle je suis contre la syndicalisation de la justice haïtienne. Entre moi et les dirigeants des associations de magistrats, le désaccord théorique et conceptuel persiste mais je comprends le sens de leur combat citoyen qui doit être celui de la société haïtienne. À-t-on déjà un syndicat de députés, de ministres ou de sénateurs ? Cette approche est aussi valable pour la Police nationale d’Haïti qui se syndicalise alors qu’elle remplit des taches de sécurité nationale pourtant dévolues constitutionnellement à l’armée d’Haïti. L’autoritarisme des deux pouvoirs politiques (exécutif et législatif) conduit à la syndicalisation du pouvoir judiciaire, traditionnellement traité en parent pauvre. Le recours à la syndicalisation apparaît comme une réponse et une sorte de protestation dans un contexte haïtien où l’État de droit est absent.

Selon l’article 175 de la Constitution, les juges de la Cour de cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux de la Cour d’appel et les tribunaux de première instance le sont sur une liste soumise par l’Assemblée départementale concernée ; les juges de paix sur une liste préparée par les Assemblées communales. En effet, hormis les juges de notre Cour de cassation, ceux qui se trouvent à ces échelons inférieurs sont dans une situation d’illégalité et d’ illégitimité. Nous avons une Constitution qui s’applique à la carte suivant les intérêts en cause. À la gueule du client, pourrait-on dire vulgairement. Imaginez-vous la situation juridique qui sera la leur, lorsque la Constitution exige que les membres du BED et du BEC, avant d’entrer en fonction doivent prêter serment devant les instances judiciaires compétentes, alors que nos magistrats ont été nommés en violation de l’article 175 de la Constitution.

Certains juristes mettent en doute le sérieux, la capacité des Assemblées territoriales et le risque de perversion de ces dernières qui les rendraient incapables de choisir les membres du personnel judiciaire sur des critères raisonnables et objectifs. Ce point de vue paraît fondé et compréhensible. Mais tient-il compte des mutations sociales qui se sont produites dans la société haïtienne au cours de ces quarante dernières années ? Ou bien il traduit plutôt le mépris que les élites traditionnelles haïtiennes ont toujours cultivé envers les masses paysannes ? En tout cas, la légitimité des juges issue des Assemblées territoriales ne saurait être un obstacle à la professionnalisation de la justice. La Constitution et la loi ont déjà tracé les conditions requises pour intégrer la magistrature haïtienne.

La participation des Assemblées au choix des juges est une bonne idée en soi, comme le soutiennent les honorables juges, Wando St Villier, Guy Hyppolite, Wilner Morin. Mais elle contient aussi le risque d’effets pervers susceptibles de donner lieu à des nominations démagogiques, compromettant ipso facto l’indépendance de la justice. Ce point de vue est partagé par la Constitutionnaliste Dr Mirlande Manigat. Elle croit aussi que quelque soit le niveau intellectuel de nos magistrats, la qualité de l’enseignement dispensé à l’ÉMA ne résout pas le problème de légitimité des juges liée à la question constitutionnelle du droit de proposition dévolu aux Assemblées territoriales. C’est la raison pour laquelle le Dr. Guerilus Fanfan a rappelé avec justesse que dans l’état actuel des choses, la justice n’est pas rendue au nom de la République, mais à celui de l’Exécutif. Ce qui assure l’indépendance de la justice, c’est le mode de désignation des juges, selon le Professeur Jacques Yvan Morin. Seuls les juges indépendants peuvent rendre une justice équitable.

Nécessité de revoir la composition du CSPJ

Selon les dispositions de l’article 173 plus haut cité, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) prévu à l’article 184-2 devrait être composé uniquement de juges. Mais que trouve-t-on au sein de cette institution ? Un avocat de la fédération des barreaux, un membre des organisations des droits humains, un commissaire représentant. Les représentants des trois dernières instances siégeant au sein de cette institution n’ont pas obtenu le mandat du peuple et de ce fait, n’ont pas leur place au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ). L’entrée de ces trois entités constituent une sorte de perversion pour l’indépendance de la justice haïtienne. Le Commissaire du gouvernement n’est pas un magistrat au sens où le comprend la Cour européenne des droits humains dans le célèbre arrêt Medvedyev mais un fonctionnaire de l’Exécutif. Cette conception française divisant la magistrature en deux catégories – la magistrature assise et la magistrature debout – est dépassée. Cette conception est amendée par les principes de l’État de droit démocratique depuis les travaux de Jürgen Habermas, de Daniel Mockle et de Jacques Yvan Morin. La pyramide des normes, n’en déplaise aux adeptes du positivisme normatif de Kelsen, n’est pas la Constitution mais les principes de l’État de droit et les droits fondamentaux. Notre monde est celui des droits. Comment un avocat – ou un représentant de la société civile ou encore un commissaire du gouvernement – peut-il détenir le pouvoir de sanctionner un juge, membre d’un pouvoir indépendant, l’un des dépositaires de la souveraineté nationale ?

Une relecture de notre droit constitutionnel s’impose. Ne faudrait-il pas revoir dans notre vocabulaire juridique national les concepts de pouvoir, de démocratie, de légitimité et de souveraineté ? Le droit constitutionnel domine les autres branches du droit. C’est le droit véritable. Il s’érige en juge des autres branches du droit et les sanctionne. Comme l’a expliqué feu Doyen Georges Vedel, académicien français et ancien membre du Conseil constitutionnel. Ces dernières reposent sur les bases constitutionnelles.

Il est fondamental pour moi en tant que professeur de droit constitutionnel de comprendre comment nos juges comprennent l’exercice de leur pouvoir et de la souveraineté dans le cadre de notre démocratie. Leur pouvoir et l’exercice de la souveraineté, cette autorité suprême, sont-ils réduits uniquement à leur fonction de juger ? C’est la question en débat. Nous avons une situation où une branche de l’État s’accapare de la souveraineté nationale, mettant l’État de droit en danger. La souveraineté est faite de l’addition des trois pouvoirs, à expliqué mon ancien professeur Me Hanibal Coffy, Celle-ci est émiettée depuis janvier 2020 par l’absence du Pouvoir législatif dont l’Exécutif confisque les principales fonctions.

Il ne s’agit pas d’une affaire privée où il est question de recourir à un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception ouvert aux justiciables devant les juridictions inférieures. Dans son rôle de sauvegarde de la démocratie, le Pouvoir judiciaire, a pour fonction à l’intérieur de l’État de droit, de recadrer les détenteurs des pouvoirs publics toutes les fois que leurs actes et leur comportement ne reflètent pas les principes démocratiques de l’État de droit. Face aux menaces des autoritarismes dans le monde, les Cours suprêmes doivent plus que jamais jouer leur rôle pour empêcher le recul de la démocratie et les agressions contre les droits fondamentaux. Les coups du président Jovenel Moïse contre la Constitution et la démocratie, renversent les valeurs républicaines sur lesquelles on avait cru pouvoir bâtir en toute sécurité un édifice juridique durable.

Le rôle véritable du  de la Cour

Que constate-t-on ? Une gestion à coups de décrets et arrêtés qui met en cause la démocratie et l’État de droit. L’Exécutif fait une interprétation et une application divergentes de la Constitution depuis janvier 2020. Pour justifier la fin du mandat des sénateurs, il a évoqué la primauté du temps constitutionnel sur le temps électoral, devenant l’interprète et juge de sa propre cause. Le Chef de l’État a décidé que son mandat présidentiel prendra fin en février 2022 arguant la primauté du temps électoral sur le temps constitutionnel, toute chose qui brouille notre système juridique national dont la Cour de Cassation est la garante en ce qu’elle assure sa cohérence. En raison de cette fonction fondamentale, la Cour a son mot à dire. Face à la confiscation par le chef du Pouvoir exécutif de la souveraineté nationale, la mise en garde de cette Cour s’impose. La Constitution proclame un corps de valeurs dans lequel la nation haïtienne se reconnaît. La Cour se doit de les rappeler à l’intention de tous lorsqu’elles sont en danger. C’est son rôle d’intervenir quand les valeurs de démocratie, d’égalité des droits et de tolérance sont menacées. Rappeler cela est important et n’a rien de subversif.

C’est dans ce cadre républicain et démocratique qu’il faut comprendre le nouveau rôle que les constitutions modernes comme la nôtre, confient aux Cours suprêmes. Notre Cour de cassation n’a pas seulement une fonction juridictionnelle consistant à corriger les erreurs des Cours inférieures et des tribunaux et à réduire le fossé entre la société et le droit. Elle a aussi un rôle de gardien et de préservateur des valeurs démocratiques et de la Constitution. Le droit est l’ensemble des règles à appliquer sous peine de sanctions. Mais qui dit droit dit aussi méthodes, théories (outils), concepts et principes : ce sont ces derniers qui permettent d’appréhender l’objet droit et de fabriquer les règles de droit.

En effet, les notions de « pouvoir » et de « souveraineté » ne sont pas des concepts juridiques mais  politiques encadrés par le droit constitutionnel, qui ne souffrent pas d’usage contradictoire. Mon usage des termes de « pouvoir » et « souveraineté » ressemblent à celui du professeur Vedel. Ce dernier définit la souveraineté comme l’exercice d’une autorité suprême. Le terme de « pouvoir » est considéré par ce dernier comme une prérogative permettant à une personne de gouverner. Comme donnée fondamentale, la souveraineté est source de prérogatives. Des pouvoirs en découlent. La Constitution, dans ses articles 58 et 59, précise que la souveraineté nationale réside dans l’universalité des citoyens ; toutefois elle en délègue l’exercice à trois pouvoirs. Donc il est important de mettre la nation en garde contre la confiscation par un homme de l’exercice cette autorité suprême. Aujourd’hui, la souveraineté est réduite à un seul et unique pouvoir. Nul n’ignore que la souveraineté dont le peuple est le détenteur ou dépositaire est fractionnée au nom de l’égalité des droits. Chaque citoyen en détient une parcelle qu’il confie à trois pouvoirs légitimes et démocratiques, issus du suffrage universel : le législatif, l’exécutif et le judiciaire.

Les juges font partie d’un pouvoir dépositaire de la souveraineté nationale au même titre que l’Exécutif et en raison de cela, ils ne doivent pas baisser la tête devant ce dernier. Cet arrêté mettant à côté la Constitution est inacceptable : l’Exécutif fait cavalier seul.

Je répète qu’une confiscation par l’Exécutif de la souveraineté nationale dont le pouvoir judiciaire détient une partie, devrait interpeller les juristes dignes de ce nom. La question de la saisine ne tient pas la route pour expliquer l’intervention de la Cour dans une affaire     (qui) met en cause le fondement de l’État. À chaque fois que la démocratie est en danger, les principes de l’État de droit bafoués, les droits fondamentaux violés, notre Cour suprême doit intervenir dans son rôle de sauvegarde de la démocratie et de la Constitution.

À coté de sa fonction juridictionnelle, elle a une mission d’éducation démocratique que lui assigne la Constitution, la même que toutes les constitutions modernes confèrent aux Cours suprêmes. Il s’agit d’un travail pédagogique. Les juges sont des éducateurs. En tant que gardiens impartiaux de la règle de droit, à chaque fois qu’il y a écart, ceux-ci doivent rappeler l’esprit démocratique qui doit guider et refléter les comportements des détenteurs des pouvoirs publics. C’est le nouveau droit, la nouvelle philosophie qui se dégage de notre démocratie constitutionnelle instaurée par le régime de 1987.

Le droit est un outil

Pour imposer une position arbitraire à laquelle le Palais national entend associer le Pouvoir judiciaire, Guichard Dore soutient piteusement que la politique saisit le droit en période de crise. Si le droit n’a pas la solution à la crise, pourquoi se réfère-t-on à elle pour justifier des décisions politiques ? La démarche est plus que contradiction. Crise du droit ? En tout cas, la vérité ne peut être imposée par le droit ni par un homme. Dans cette période de crise, le Président ne peut pas imposer sa vérité à la vérité que nous devons chercher tous ensemble. Le Chef de l’État ne peut pas se poser comme peuple, contrairement à ce que croit et entonne l’un des conseillers, Dr. Renald Luberice. C’est un discours fasciste. Une fraction du peuple, une groupe de citoyens, une entente de citoyens au Palais national ne peuvent pas prétendre représenter le peuple ou s’attribuer la souveraineté nationale au point de donner le pouvoir de changer la Constitution à un organisme électoral fabriqué en violation de notre loi-mère.

Même avec un nouveau décret rapportant celui du 14 septembre 2020, le Pouvoir exécutif n’a pas de provision légale et constitutionnelle pour former un Conseil électoral provisoire. Les dispositions transitoires de la Constitution ne sont plus d’application. Dans son contrôle de régularité de l’acte de nomination, la Cour de cassation ne doit pas accepter la prestation de serment des membres du CEP, l’a expliqué Dr. Blair Chéry. L’absence de la légalité constitutionnelle doit être tempérée ou compensée par la recherche d’une légitimité politique dans un accord politique. Cet élément coutumier entrant dans notre droit Constitutionnel est fondamental et constitue un préalable à toute formation d’un Conseil électoral.

Cette crise dont parle le docteur Guichard Doré, est la conséquence du fait que l’actuel Président est incapable de gouverner et en même temps refuse de se soumettre au droit et à la loi. On comprend bien que le droit n’est pas tout et ne règle pas tout. C’est pourquoi tout bon juriste a besoin pour son étude les enseignements de la science politique, de la sociologie de l’histoire et de l’économie pour ne pas surévaluer ou surestimer le pouvoir du droit. Mais la politique doit se soucier de la norme qui doit prévaloir dans la prise de décision politique. Le droit est un outil d’aide à la bonne décision politique. C’est l’essence même de l’État de droit.

Quand il s’agit de Constitution, tout le monde est légitime pour en parler mais seuls les spécialistes du droit sont compétents pour discuter de la chose constitutionnelle. Contrairement aux opinions de Guitare Doré, notre Constitution n’est ni complice ni un facteur de crise, de désordre et d’instabilité. Mon sens du droit ne me permet pas d’adhérer à cette hypothèse. Il y a une résistance à la loi dans notre société, une incompréhension du système politique instauré par la Constitution de 1987 et une incapacité des élites haïtiennes haïtiennes à évoluer dans une société haïtienne dominée par les règles de droit. Le respect de la loi, constatait feu professeur Leslie Manigat, est une question d’éducation.

Le droit à l’ère de la mondialisation

Je rêve d’une Cour de cassation dont la composition répondra à une formule multidisciplinaire. La raison est que le droit est tout autre aujourd’hui et le rôle des juges a évolué sous l’effet de la mondialisation. La réalité du droit est multiple. L’explication du droit est extérieure au droit. Je souhaite une recomposition de la Cour qui intègre d’abord les magistrats de carrière de nos cours et tribunaux, des professeurs de droit, des sociologues, des historiens, des économistes et des philosophes, des anthropologues du droit etc. Des parquets véritablement indépendants, des cabinets de juges bourrés de professionnels du droit qui aideront   ces derniers dans leur fonction, dans la rédaction des décisions de justice qui feront la fierté des générations futures et qui assureront le rayonnement de notre justice, pour répéter, Dr. Osner H. Févry, mon ancien professeur à la faculté de droit.

Je n’ai pas traité d’incompétents les membres de la magistrature haïtienne, encore moins les honorables juges de la Cour de cassation. J’ai soulevé un point totalement occulté par nos juges, ce qui, à mon sens, constitue un point d’aveuglément de notre droit constitutionnel et qui les oblige à relire notre Constitution. « Le champ est ouvert », comme l’a souligné l’imminent juriste et ancien Ministre de la justice, Me Camille  Leblanc. Vous pouvez corriger, critiquer et même jeter dans la poubelle la plus proche les idées qui y sont avancées, mais ce qui est important, c’est le champs dans lequel je vous convie : celui du droit, du nouveau droit.

Le peuple n’est plus mineur mais désormais acteur. L’intervention permanente du peuple dans les questions politiques conduit à une reconsidération de la démocratie représentative, pour répéter Dr. Josué Pierre Louis. Ce contrôle du peuple implique que personne n’est intouchable, encore moins les détenteurs des pouvoirs publics. Nous sommes tous soumis à la censure démocratique du peuple. Les juges sont attachés à leur honneur dans leur fonction de juger, les avocats à la contradiction, processus par lequel on construit la vérité judiciaire. C’est le cas de dire qu’ils meuvent sur des sillons parallèles avec des distances qui devraient pas être infinies. Du point de vue intellectuel, nous sommes dans un spectacle chaotique qui n’est pas seulement la réalité d’Haïti mais celle du monde. Il nous manque partout des hommes et des femmes d’envergure tant qu’à l’échelle nationale qu’internationale. Il y a nécessité de recentrer le débat intellectuel et politique. C’est une responsabilité morale. On ne veut ni la qualité ni l’excellence. On nous contraint à être moyens. La médiocrité est le modèle qui réussit. Combattons-la ensemble et restons dans l’excellence du droit !

Mon intervention dans le champ n’a pas pour objectif de nuire ou de rabaisser personne. Elle va dans le sens de l’accomplissement d’une responsabilité intellectuelle et citoyenne. Encore une fois, je présente toutes mes excuses à toute la magistrature qui s’est sentie blessée par la déformation de ma parole qui se veut professionnelle. L’incident est clos, le champ est ouvert, le débat continue. Que mes confrères reçoivent tout mon respect et mon affection !

Me Sonet Saint Louis av

Professeur de droit constitutionnel

Université d’État d’Haïti

Tel 37368319

42106723

Sonet43@hotmail.com