New Yok, https://www.lemiroirinfo.ca, Mardi 03 Mars 2021

Monsieur le Secrétaire général,

Avant votre avènement à la direction des Nations Unies, je me suis adressé sur le même sujet à vos prédécesseurs, en l’occurrence, Koffi Annan et Ban Ki Moon. Rien que pour vous dire que depuis plus d’une vingtaine d’années, j’accorde une attention soutenue à la crise  haïtienne ainsi qu’aux diverses propositions formulées par la Communauté internationale sur cette affaire.

Je tiens à vous rappeler que de 1957 à nos jours, le peuple haïtien n’a jamais connu la paix. Avant 1987, on arrêtait les journalistes, on torturait les enseignants, on tuait les écrivains. Puisque cette pratique était très rependue à l’époque en Amérique latine et dans les pays de l’est, elle était plus ou moins acceptable aux yeux du monde civilisé.

Aujourd’hui, la démocratie fleurit dans l’ancien bloc soviétique quand nos voisins, eux respirent le progrès. Par contre, personne ne peut s’expliquer pourquoi le peuple haïtien, vainqueur du système esclavagiste, membre fondateur des Nations Unies, promoteur de  la décolonisation des pays africains, continue d’être l’otage d’un système répressif.

Actuellement, le gouvernement encadre les bandes armées qui enlèvent les gens, qui tuent les écoliers, qui terrorisent la population. Conséquence, le chômage enfle, l’inflation siffle, la misère gronde. Captive, la population haïtienne se retrouve dans des conditions similaires aux camps de concentration entretenues autrefois par les nazis.

Mon pays a perdu près de cinq générations de citoyens qualifiés. Elles se sont mises à couvert à l’étranger.  La transmission des valeurs a rompu, l’harmonie sociale, interrompue. Ce qui explique l’effondrement institutionnel et l’éclatement social.

Si, au départ, les Nations Unies avaient géré la crise de manière impartiale, en s’adressant à tous les secteurs de la société haïtienne, en vue de compenser les différends, la situation serait aujourd’hui différente.

La MINUSTAH a passé dix ans en Haïti, a dépensé plus de deux milliards de dollars. Cette mission n’avait pas la prétention de résoudre la crise politique mais de perpétrer le génocide du peuple haïtien. 

Avant leur départ du pays, les soldats de la paix protégeaient les détrousseurs de l’État ainsi que les assassins du peuple haïtien.

 Aujourd’hui, on a l’impression que vos représentants sur place sont soudoyés ou tout simplement ne sont pas à la hauteur de leurs tâches. A côté de cette gerbe d’atrocité, les diplomates accrédités à Port-au-Prince sont confortablement établis dans leur rôle de passeur et de sicaire quand le Core Group nous rappelle l’ancien KGB russe ou le Gestapo allemand.

L’œuf de poule donne des poules. L’œuf de serpent donne des serpents. Ainsi, rien de noble ne sortira de vos actuelles démarches, expression de lâcheté, de complicité, de cruauté et d’inefficacité.

Pour avoir maîtrisé le dossier haïtien apparemment mieux que personne, j’affirme que le redressement de notre nation passe par l’édification d’un nouveau modèle d’État, suivie de l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants. Finalement, une conférence régionale doit entériner le processus de changement politique nécessaire.

Si nos revendications ne sont pas agréées, dans un proche avenir, sans pour autant le souhaiter, toutes les Capitales de la région connaîtront le sort de Port-au-Prince. 

Veillez agréer, Monsieur le Secrétaire général, toute ma considération.

Rony Blain: Initiateur de la Nouvelle opposition nationale (2007) et Auteur du Guide de la réforme haïtienne (2008)